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Après avoir réaffirmé sa position en matière de temps de trajet des salariés itinérants par une décision rendue le 1er mars 2023, (voir notre Flash ici), la chambre sociale a publié deux autres décisions le 7 juin 2023, cette fois concernant d’une part un salarié enquêteur mystère (21-22445), et d’autre part, un salarié préparateur chargé d’affaires dans une centrale nucléaire (21-12841).

1. La première décision (21-22445) concerne les trajets entre le lieu d’hébergement et le lieu de travail d’un salarié partant en déplacement pour la semaine avec des frais d’hôtels pris en charge par l’employeur et se déplaçant chaque jour sur un site différent.

Pour qualifier de temps de travail effectif ces déplacements, la cour d’appel avait retenu que ces trajets, effectués entre deux lieux de travail successifs différents, (i) s’effectuaient dans le cadre de déplacements prolongés sans retour au domicile, (ii) étaient rendus nécessaires par l’organisation du travail du salarié en application de plannings d’interventions déterminés par l’employeur, (iii) et plaçaient le salarié dans une situation où il restait à la disposition de son employeur.

Cette décision est cassée au visa de l’article L3121-1 du code du travail qui définit la notion de durée de travail effectif, la Cour de cassation jugeant que la cour d’appel :

  • aurait dû vérifier « si les temps de trajets effectués par le salarié pour se rendre à l’hôtel pour y dormir, et en repartir, constituaient, non pas des temps de trajets entre deux lieux de travail, mais de simples déplacements professionnels non assimilés à du temps de travail effectif. » ;
  • n’a pas caractérisé que « pendant ces temps de déplacement en semaine, et en particulier pendant ses temps de trajets pour se rendre à l’hôtel afin d’y dormir, et en repartir, le salarié était tenu de se conformer aux directives de l’employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. »

Ainsi, le simple fait qu’il s’agisse d’un long déplacement professionnel sans retour quotidien du salarié à son domicile, pour des trajets entre son lieu d’hébergement provisoire et ses lieux d’activités, ne suffit pas à caractériser le temps de travail effectif, ce d’autant qu’en l’espèce la Cour de cassation a souligné que « le salarié ne visitait qu’une concession par jour » (un peu comme un salarié qui se rend quotidiennement de son domicile à son lieu de travail sans que le temps consacré pour ce faire ne soit autre chose qu’un temps de trajet).

2. La seconde décision (21.12841) concerne un salarié affecté sur le site d’un client de son employeur. Les trajets litigieux débutaient à l’entrée de l’entreprise cliente, située sur un site nucléaire, et se terminaient 15 minutes plus tard à la pointeuse.

Pour, cette fois-ci, écarter la qualification de temps de travail effectif, la cour d’appel avait considéré qu’avant d’atteindre les bureaux de la société cliente, dans lesquels se situaient les pointeuses,  le salarié n’était pas à la disposition de son employeur car il pouvait (i) vaquer à ses occupations entre le poste d’accès principal et son propre bureau, (ii) sans contrôle de la part de l’employeur.

Pour ce faire, la cour d’appel s’était également fondée sur un indice résultant du fait que le règlement intérieur de la société cliente – prévoyant différentes règles qui auraient pu induire une mise à disposition du salarié sur ces temps de trajets dans l’enceinte de l’entreprise – devait être écarté dès lors que ce règlement intérieur était imposé, non pas par l’employeur, mais par le propriétaire du site de la centrale nucléaire.

Cette décision est censurée par la Cour de cassation considérant que la cour d’appel s’est déterminée par des motifs inopérants et qu’elle aurait dû rechercher :

« si, du fait des sujétions qui lui étaient imposées à peine de sanction disciplinaire [d’où la référence au règlement intérieur], sur le parcours, dont la durée était estimée à quinze minutes, entre le poste de sécurité à l’entrée du site de la centrale nucléaire et les bureaux où se trouvaient les pointeuses, le salarié était à la disposition de l’employeur et se conformait à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ».

Il est probable que la cour d’appel de renvoi considère que ces 15 minutes de trajet imposées entre l’entrée sur le site et la pointeuse constituent du temps de travail effectif.

3. Par ces deux décision, la Cour de cassation réaffirme et renforce l’office du juge dans le cadre de la qualification, au cas par cas, des temps de déplacement professionnel en temps de travail effectif, en insistant tout particulièrement sur l’importance du critère de l’intensité des contraintes pesant sur le salarié.

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