Dans cette affaire, un célèbre groupe d’humoristes réclamait, notamment, à leur ancien producteur des rémunérations au titre des rediffusions télévisuelles de leurs sketchs.
Pour s’opposer à ces demandes, la société de production faisait valoir que le contrat d’exclusivité d’enregistrement conclu avec les humoristes le 15 mars 1989 était un contrat de travail, en application de l’article L. 762-1 du Code du travail (nouvel article L. 7121-3 dudit code) et que leurs relations étaient en conséquence régies par les conventions collectives applicables au secteur d’activité concerné par les prestations réalisées et en particulier par la convention collective des artistes engagés pour des émissions de télévision du 31 mai 1988, remplacée par celle du 30 décembre 1992.
En conséquence, la société de production concluait que les compléments de rémunération pouvant être dus aux artistes au titre de rediffusion et/ou de cessions commerciales de droits de diffusion demeuraient à la charge exclusive des chaînes de télévision. Elle faisait par ailleurs valoir qu’elle avait conclu des accords avec toutes les grandes chaînes hertziennes.
Après avoir relevé que le contrat d’exclusivité d’enregistrement du 15 mars 1989 a été résilié par jugement du 2 mai 2007, la Cour considère que « les effets de cette résiliation ayant été fixés au jour de la décision (…) il y a lieu d’appliquer les dispositions contractuelles de ce contrat à la seule période antérieure au 2 mai 2007 ».
Le contrat susvisé prévoyait le versement par le producteur d’une rémunération proportionnelle de 12% des sommes nettes encaissées (après amortissement) au titre de concessions payantes des vidéogrammes à des télévisions, et ce en cas d’absence d’accord collectif assurant la rémunération des artistes.
Les humoristes soutenaient en l’espèce qu’il n’existait pas d’accord collectif ce qui justifiait l’application du taux de 12% pour le calcul de leurs droits, et que la convention collective des artistes-interprètes engagés pour des émissions de télévision datée du 31 mai 1988 leur était inopposable, dans la mesure où leur producteur ne faisait pas partie des signataires de cette convention.
Après avoir relevé que la convention collective des artistes-interprètes engagés pour les émissions de télévision datée du 31 mai 1988 n’ayant effectivement fait l’objet d’aucune extension, ne s’imposait donc qu’aux seuls employeurs signataires, dont la société de production concernée ne faisait pas partie, la Cour a en revanche relevé que la convention collective des artistes engagés pour des émissions de télévision datée du 30 décembre 1992 était applicable au contrat d’enregistrement susvisé, dans la mesure où cette convention a été étendue par arrêté du 24 janvier 1994 (JORF du 4 février 1994).
A cet égard, la Cour énonce clairement qu’il s’agit d’« une convention collective qui a force de loi et qui s’impose à toutes les entreprises du secteur et à tous les organismes entrant dans son champ d’application », en ce compris ceux qui n’ont pas adhéré à la convention ou à un organisme patronal signataire comme c’était le cas en l’espèce pour la société de production.
La Cour a ainsi écarté les arguments des humoristes qui faisaient valoir que n’ayant pas été informés de l’existence de cette nouvelle convention, qui aurait dû figurer sur leur feuille de salaire, elle leur serait inopposable ; la Cour répond très clairement que « la convention du 30 décembre 1992 qui, étendue à l’ensemble des entreprises du secteur, a force de loi à compter du 5 février 1994, n’est pas susceptible de renonciation et est par conséquent opposable [aux artistes] ».
Concrètement, la Cour a considéré que le taux de rémunération de 12% contractuellement prévu au profit des artistes devait s’appliquer aux montants hors taxes des contrats conclus par le producteur avant le 5 février 1994, mais qu’en revanche postérieurement à cette date, les dispositions de la convention collective des artistes interprètes engagés dans les émissions de télévision datée du 30 décembre 1992 doivent s’appliquer et les rémunérations complémentaires doivent en conséquence être payées aux artistes-interprètes par l’entreprise de communication audiovisuelle assurant la (re)diffusion.
La Cour met ainsi à la charge des chaînes de télévision la rémunération due aux artistes-interprètes au titre de la diffusion des programmes litigieux, et considère que les artistes sont mal fondés à en réclamer le paiement au producteur audiovisuel pour la période postérieure au 5 février 1994.
Dorothée SIMIC