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CA Paris, Pôle 6, Ch. 9, 8 juin 2016

Une société de production avait engagé « verbalement » un technicien dans le cadre de la production d’un film. Aucun contrat de travail écrit n’avait donc été signé, mais les parties s’accordaient pour qualifier cette relation de travail de contrat à durée déterminée d’usage dans le secteur de la production cinématographique.

 

Suite à des difficultés rencontrées pour la signature du contrat du comédien principal, le tournage du film a finalement été annulé. Se posait alors la question de la rupture du contrat de travail du technicien, et en conséquence de la durée dudit contrat. Selon l’employeur, le contrat prenait fin à la fin de la préparation du tournage, alors que le salarié revendiquait que le terme du contrat avait été fixé à la fin du tournage.

Selon l’employeur, il serait tout d’abord d’usage dans la profession d’établir des contrats distincts pour la préparation puis pour le tournage lui-même. Il soutenait également que la date du tournage n’avait cessé d’être reportée, et que l’émission de plusieurs bulletins de salaire pour un même mois démontrait le caractère ponctuel de l’intervention du salarié. Enfin, il ajoutait que, à supposer qu’il soit retenu que le contrat avait été conclu pour une période allant jusqu’à la fin du tournage, le fait que celui-ci n’ait pu avoir lieu retirait toute cause à l’obligation de l’employeur de paiement des salaires.

Le salarié expliquait quant à lui que la société de production lui avait remis plusieurs plannings de travail précisant les dates de début et de fin de son intervention, et que son information régulière des reports du tournage démontrait l’intention de la société de le faire travailler sur le tournage. Il rappelait enfin que la mensualisation de la rémunération ne s’applique pas aux intermittents du spectacle, et que l’attestation employeur mensuelle (AEM) délivrée tous les mois ne contenait que des informations déclarées par l’employeur et ne représentait donc pas l’intention commune des parties.

La Cour d’appel de Paris a finalement considéré que l’intention commune des parties étaient de signer un contrat dont la durée s’étendait jusqu’à la fin du tournage du film, et non jusqu’à la fin de la préparation de celui-ci. Elle observe notamment que les dates renseignées par l’employeur sur les AEMs ne permettent pas de fixer le terme du contrat dès lors qu’elles sont délivrées mensuellement, peu important la durée du contrat de travail, et que la date de fin de contrat qui y est mentionnée n’est qu’une déclaration de l’employeur postérieurement à la signature du contrat. Elle ne permet donc pas de déterminer la volonté commune des parties au moment de la signature du contrat.

La Cour d’appel donne également raison au salarié sur le fait que la délivrance de plusieurs bulletins de salaires sur une période inférieure au mois ne renseigne pas sur la durée du contrat, étant donné que la mensualisation ne s’applique pas aux intermittents.

Les juges rejettent aussi le prétendu usage invoqué par l’employeur, puis s’appuient sur divers documents versés aux débats par le salarié pour déterminer la durée du contrat. Sont notamment pris en compte la liste technique du film mentionnant le salarié dans « l’équipe préparation et tournage », et les différents emails envoyés par la production au salarié relatifs aux reports des dates du tournage avant que celui-ci ne soit finalement annulé.

La Cour d’appel considère enfin que l’annulation du tournage ne fait pas disparaitre la cause du contrat, qui s’apprécie au moment de sa formation. Elle rappelle que l’employeur est dès lors tenu de fournir au salarié la prestation de travail pour laquelle il a été embauché, et de payer les salaires convenus.

En conséquence, la Cour a retenu que l’employeur était tenu de verser des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations que le salarié aurait dû percevoir jusqu’au terme de son contrat de travail.

Cet arrêt démontre ainsi les risques à prendre en compte par les sociétés de production lors de la conclusion de contrats de travail, y compris en l’absence d’écrit, avec les équipes de production, notamment en ce qui concerne la délimitation du terme du contrat.

Camille BURKHART

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Ayant eu connaissance d’une campagne publicitaire nationale visant à faire la promotion des chaussures de la marque KICKERS et reprenant, au sein de ses visuels, les termes « FOREVER YOUNG », il a assigné le distributeur des produits KICKERS en France.

 

Ses demandes ayant été rejetées par le tribunal de grande instance de Rennes, la société BRUNO SAINT HILAIRE, a formé appel de la décision et la Cour d’appel de Rennes, saisie du litige, permet ainsi d’enrichir la jurisprudence déjà fournie sur la protection des slogans publicitaires par le droit des marques.

 

La validité des dépôts de slogans à titre de marque a parfois été contestée, en raison de leur nature évocatrice. Malgré cela, les tribunaux sont souvent réticents à considérer qu’un slogan ne peut, per se, être déposé en tant que marque, l’article L711-1 du Code de la propriété intellectuelle listant parmi les signes pouvant être déposés en tant que marque les « dénominations sous toutes les formes » dont notamment les « assemblages de mots ».

 

Cependant, même déposé, il peut souvent s’avérer difficile pour les titulaires de ces marques d’obtenir une protection sur le fondement du droit des marques, comme l’illustre notamment cet arrêt.

 

En l’espèce, si la validité du dépôt en tant que marque du signe Image de la marquen’était pas contestée ici, le litige portait sur la réalité de l’usage.

 

L’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle énonce en effet qu’ « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans juste motif, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».

 

La société BRUNO SAINT HILAIRE, à qui était opposée l’absence d’usage sérieux du signe Image de la marque, avait soutenu qu’elle utilisait sa marque, en produisant des « photographies de 4 personnes portants des vêtements et chaussures avec la mention Forever Y au-dessus de la marque Saint Hilaire », ou encore « la présentation d’un homme habillé sur un solex devant un panneau où figure les mêmes éléments et alors qu’il constitue un stand publicitaire (…) ». Elle reconnaissait néanmoins que ce signe était utilisé comme concept, ce qu’indiquait d’ailleurs son site : « Forever Y, c’est tout un état d’esprit… avoir confiance en soi, se sentir bien et libre, oser passer à l’acte… être Forever Y ».

 

La Cour d’appel de Rennes a estimé que le signe n’était dès lors pas utilisé dans une fonction d’identification de l’origine des produits, et a prononcé la déchéance de la marque à compter du 1er décembre 2013.

 

 

Si la contrefaçon n’était pour autant pas de facto écartée à ce stade, les actes argués de contrefaçon datant de septembre 2010, la contestation de l’usage effectif à titre de marque a s’est avérée efficace.

 

La Cour d’appel note que le signe FOREVER YOUNG avait été utilisé « dans le cadre des 40 ans de la marque KICKERS », « au sein d’une phrase écrite en langue anglaise, traduite ensuite en langue française », de manière descriptive « de la marque KICKERS éternellement jeune ». Elle estime, par conséquent et de manière plutôt cohérente avec la déchéance prononcée, que là aussi, ces mots étaient utilisés à titre d’expression courante et non à titre de marque. Aucun usage du signe à titre de marque n’ayant été réalisé antérieurement au 1er décembre 2013, la demande sur le fondement de la contrefaçon a par conséquent été rejetée.

 

Sur les demandes formées sur le fondement de la concurrence déloyale, la Cour confirme également le jugement, en estimant que la société BRUNO SAINT HILAIRE ne justifiait pas d’investissement ou de travail particulier pour développer le « concept » FOREVER YOUNG, dont la « valeur économique individualisée » n’était, selon la Cour, pas démontrée.

 

Antoine JACQUEMART

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