Arrêt de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du 9 juillet 2025, n°24-10.428
Une décision des associés de SAS, même prise à l’unanimité, ne peut pas déroger aux statuts concernant les modalités de révocation d’un de ses dirigeants.
Les statuts d’une société prévoyaient que le directeur général de la société pouvait être révoqué à tout moment et sans juste motif (ad nutum). Toutefois, lors de la nomination du directeur général, une décision des associés, prise à l’unanimité, a prévu au contraire qu’il ne pourrait être révoqué que dans certains cas limitativement énumérés en annexe du procès-verbal de l’assemblée générale.
Le directeur général ayant été révoqué de son mandat en dehors de ces cas prévus dans la décision collective, il assigna la société pour demander des dommages et intérêts du fait de la cessation anticipée de son mandat.
La Cour d’appel de Paris a considéré dans son arrêt du 16 novembre 2023 que la décision des associés, prise à l’unanimité lors d’une assemblée générale, démontre la volonté expresse des associés de déroger aux statuts par une décision collective prise aux conditions requises pour modifier les statuts et qu’elle s’impose dès lors aux statuts, quand bien même les statuts n’auraient pas fait l’objet d’une modification, sans que soit méconnu le principe de primauté des statuts sur un acte extra-statutaire.
Dès lors, pour la Cour d’appel, la Société ne pouvait pas invoquer les statuts pour écarter la demande du dirigeant sur les conditions de sa révocation fondée sur une décision collective adoptée à l’unanimité.
Cet arrêt de la Cour d’appel est censuré par la Cour de cassation qui considère que la Cour d’appel a violé les articles L227-1et L227-5 du Code de commerce en précisant que si une décision des associés peut compléter les statuts de la société sur les modalités de révocation, elle ne peut pas y déroger, quand bien même elle serait prise à l’unanimité.
La décision de l’assemblée générale des associés de la société sur laquelle le dirigeant fondait ses demandes contredisant les statuts, il y a lieu de rejeter la demande du dirigeant tendant à voir dire qu’il a été révoqué sans juste motif.
Si l’arrêt de la Cour de cassation vise expressément l’article L227-5 du Code de commerce sur les modalités de direction de la SAS, la solution semble transposable aux autres stipulations des statuts d’une SAS définissant son organisation ou les modalités de prise de ses décisions collectives.
Par ailleurs, si l’arrêt de la Cour de cassation porte en l’espèce sur une décision collective des associés, la décision aurait été identique pour tout autre acte extrastatutaire comme un pacte d’associés.
La décision aurait été différente si du fait de la décision collective des associés modifiant les conditions de révocation du directeur général, les statuts avaient été modifiés corrélativement. Mais il est fort probable que les associés ont, dans le cadre des discussions liées à la nomination du directeur général, voulu faire une exception aux stipulations statutaires pour cette personne.
C’est pourquoi il peut être préconisé dans les statuts de prévoir des exceptions à certains principes. Tel aurait été le cas si les statuts avaient prévus que le directeur général est révocable ad nutum sauf s’il en est prévu autrement dans la décision de sa nomination.
A noter que la jurisprudence a été plus souple pour les SARL puisqu’un arrêt de 2015 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation[1] avait considéré que les associés d’une SARL pouvait renoncer par une décision unanime à l’application d’une clause de non-concurrence statutaire en faveur de leur gérant.
[1] Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 mai 2015, n°14-13.744




