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CA Paris, Pôle 5, Ch. 1, 30 janvier 2013

Un courant jurisprudentiel récent fait peser sur les demandeurs à l’action en contrefaçon un risque de condamnation à réparer le préjudice subi par le défendeur (qui peut être considérable) du fait des mesures ordonnées à son détriment par exemple dans le cadre d’une ordonnance de référé ou d’un jugement au fond revêtu de l’exécution provisoire et ultérieurement infirmé [Netcom Juin 2012].


Ces décisions interviennent généralement après que des mesures aient été prises par le demandeur, le plus souvent sur la base d’une décision de justice exécutoire mais non définitive (requête afin de saisie-contrefaçon, ordonnance de référé ou jugement revêtu de l’exécution provisoire et ordonnant des mesures d’interdiction). En cas d’échec de l’action en contrefaçon au terme de la procédure, le défendeur sollicite alors la réparation du préjudice que lui ont occasionné les mesures mises en œuvre par le demandeur.

La décision de la Cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 1) ici commentée révèle toutefois que, selon le fondement choisi, la demande d’indemnisation du défendeur peut donner lieu à des solutions différentes.

Dans cette affaire, les titulaires d’un brevet avaient fait pratiquer une saisie-contrefaçon sur autorisation préalable du juge puis engagé la procédure à l’encontre du présumé contrefacteur, action dont ils ont été finalement déboutés. Le défendeur prétendait avoir subi un préjudice du fait de la saisie-contrefaçon et s’était placé sur le terrain de la procédure abusive (article 32-1 du code de procédure civile) pour solliciter l’indemnisation du préjudice invoqué. La Cour le déboute de sa demande en rappelant que « le droit d’ester en justice…est protégé par principe et qu’il ne peut dégénérer en abus ouvrant droit à réparation que s’il est exercé de mauvaise foi ». Les juges soulignent également que la faute des demandeurs ne saurait être caractérisée du seul fait qu’ils ont succombé au procès en contrefaçon et que la saisie-contrefaçon ne peut en soi, en l’absence de tout autre élément, constituer une faute car elle est une mesure légitime pour se constituer une preuve donnant lieu à autorisation du juge.

C’est donc bien sur le terrain de la procédure abusive nécessitant la preuve de la mauvaise foi que se situe le raisonnement de la Cour d’appel de Paris qui l’amène à rejeter la demande d’indemnisation du défendeur. Toutefois, d’autres juridictions du fond retiennent que le demandeur qui succombe finalement dans son action en contrefaçon est responsable du préjudice subi par le défendeur du fait des mesures judiciaires prises à l’encontre de ce dernier en cours de procédure et sans que ne soit caractérisée (ni même invoquée) une quelconque faute du demandeur [Netcom Juin 2012]. Dans ces affaires, les plaideurs font l’économie de la démonstration de la faute du demandeur en se plaçant sur le terrain de l’article 31 al.2 de la loi du 9 juillet 1991 disposant que « l’exécution est poursuivie aux risques du créancier qui, si le titre est ultérieurement modifié, devra restituer le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent ». La responsabilité est donc déclenchée sans faute du demandeur et à la seule condition que le préjudice subi par le défendeur du fait des mesures mises en œuvre soit démontré (et que le demandeur succombe finalement au procès en contrefaçon).

La divergence de position n’est à notre sens qu’apparente et il semble que ce soit surtout le choix opéré par les défendeurs quant au fondement de la demande reconventionnelle qui oriente les solutions retenues par le juge. En se plaçant sur le terrain de la procédure abusive ou de la responsabilité de droit commun sur le fondement de l’article 1382 du code civil, les plaideurs s’obligent à démontrer l’existence d’une faute du demandeur qui, si elle n’est pas caractérisée, ne peut qu’entraîner le rejet de la demande. Or, comme le souligne la Cour d’appel de Paris, l’exécution d’une mesure ordonnée par un juge ne peut en soi caractériser une faute à la charge du demandeur qui se contente de la mettre en œuvre. A l’inverse, si le défendeur fait le choix plus pertinent de se situer sur le terrain de la responsabilité « sans faute » du demandeur en application de l’article 31 al. 2 de la loi du 9 juillet 1991, la seules démonstration du préjudice subi permet de déclencher son droit à réparation.

Hélèna DELABARRE

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