Aussi appelée « Acte européen sur l’accessibilité » (European Accessibility Act – EAA), cette directive a pour objet de créer une société plus inclusive en promouvant la participation pleine et effective des personnes handicapées, en améliorant leur accès aux produits et services concernés.[1]
La directive a vocation à faciliter l’autonomie des personnes présentant des incapacités durables (physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles)[2], mais bénéficie également indirectement aux personnes présentant des limitations fonctionnelles temporaires ou liées à l’âge[3].
Afin d’éviter que des législations éparses entravent la libre circulation des marchandises et services dans l’Union européenne, la directive harmonise les exigences d’accessibilité applicable aux États membres.
Adoptée le 17 avril 2019, elle devait être transposée par les Étatsmembres au plus tard le 28 juin 2022.[4] Ce n’est cependant qu’en 2023 qu’elle a été transposée par la France.[5]Le décret n°2023-931 reprend fidèlement la directive et l’arrêté du 9 octobre 2023 détaille précisément les exigences en matière d’accessibilité.[6]
Il est nécessaire pour les fournisseurs des produits et services visés par la directive de s’y préparer dès à présent pour anticiper et mettre en œuvre les moyens techniques permettant de s’y conformer.
- Le large champ d’application de la directive
Les obligations s’appliquent de la même manière aux opérateurs économiques du secteur public et du secteur privé.[7] Pour les premiers, elles s’ajoutent à celles issues de la directive européenne 2016/2102 relative à l’accessibilité des sites web et applications mobiles. Pour les seconds, il s’agit de la première directive harmonisée venant poser de telles exigences d’accessibilité.
Sont concernés les opérateurs économiques suivants :
- Les fabricants (ou leurs mandataires), les importateurs et les distributeurs intervenant dans la chaine d’approvisionnement et de distribution d’un produit.
- Les prestataires de services tels que les servicesde communications électroniques,lesservices fournissant un accès à des services de médias audiovisuels ; lesservices bancaires etles éléments de services de transport de voyageurs (site internet, applications mobiles, billets électroniques, terminaux en libre-service etc…). On retrouve enfin les services de commerce électronique[8], ce qui confère un très large champ d’application à la directive.
Sont exclus de l’obligation de respecter les obligations de la directive les microentreprises fournissant des services[9].
Il est également possible pour un opérateur économique concerné par la directive[10] de ne pas respecter partiellement certaines obligations dans la mesure ou la conformité :
- Exige une modification significative du produit ou du service entrainant une modification fondamentale de la nature de celui-ci.
- Lui impose une charge disproportionnée.
Sont concernés les produits mis sur le marché et les services fournis après le 28 juin 2025 suivants :
- S’agissant des produits : les systèmes informatiques matériels à usage général du grand public et leurs systèmes d’exploitation, les terminaux de paiement et les terminaux en libre-service destinés à la fourniture de services. Les équipements terminaux grand public avec des capacités informatiques interactives, utilisés pour des services de communications électroniques, ou pour accéder à des services de médias audiovisuels sont également concernés.
- S’agissant des services : les services de communications électroniques (tels que les services de téléphonie) et les servicesfournissant un accès à des services de médias audiovisuels (tels que les plateformes de vidéos à la demande par abonnement) sont visés. Les éléments de services de transports de voyageurs sont également concernés (sites internet, services mobiles, titres de transport électroniques)[11].
Outre les services bancaires aux consommateurs, les livres numériques et les communications d’urgence dirigées vers le 112, la directive vise le commerce électronique, consacrant à nouveau un très large champ d’application.
La directive exclut cependant certains contenus des sites internet et des applications mobiles. Tel est notamment le cas des contenus non actualisés ou modifiés après le 28 juin 2025 et des médias temporels préenregistrés publiés avant le 28 juin 2025.
- Les obligations et les sanctions
–Les obligations
- Les exigences générales d’informations s’appliquant aux produits :
Les informations sur le produit doivent être disponibles sur plusieurs canaux sensoriels, compréhensibles, perceptibles par les utilisateurs et rédigées en police de taille appropriée. Lorsque les informations ne se trouvent pas sur le produit, elles doivent être publiées et respecter les mêmes critères d’accessibilité.
Le produit, y compris son interface utilisateur doit comporter des caractéristiques, des éléments et des fonctions permettant aux personnes handicapées d’accéder au produit, de le percevoir, de l’utiliser, de le comprendre et de le commander.
La directive pose des exigencesliées à l’emballage du produit (devant contenir des informations sur son ouverture, la fermeture, son utilisation et son élimination par exemple) afin de permettre une utilisation optimale par les personnes handicapées.
Les instructions disponibles par d’autres moyens (comme un site internet) doivent respecter des critères d’accessibilité, incluant une présentation claire et perceptible via plusieurs canaux sensoriels, un format textuel adaptable, un contraste suffisant et, le cas échéant, une alternative au contenu non textuel.
- Les exigences s’appliquant aux services :
Des informations sur le fonctionnement du service ainsi que sur les produits utilisés dans la fourniture du service doivent être apportées et respecter les critères précités (plusieurs canaux sensoriels, compréhensible etc…). Les sites internet et les applications mobiles doivent être perceptibles, utilisables, compréhensibles et robustes.
Des services d’assistance doiventenfin être mis en place pour fournir des informations sur l’accessibilité du service ou l’utilisation du produit.
Des exigences supplémentaires spécifiques à certains services sont prévues. Ainsi une plateforme en ligne proposant des films devra fournir des guides électroniques de programme accessibles et fournir des informations sur l’accessibilité, du sous-titrage pour les personnes sourdes ou malentendantes, de l’audiodescription, du sous-titrage audio et de l’interprétation en langue des signes avec un affichage synchronisés avec le son et la vidéo, réglable par l’utilisateur.
La directive a prévu des exemples indicatifs de solutions à mettre en œuvre pour permettre aux opérateurs de respecter leurs exigences en matière d’accessibilité pour différents types de handicaps.[12]
Il convient enfin d’être vigilant car chacun des acteurs de la chaine de distribution (fabricant, importateur et distributeur) a des obligations spécifiques à respecter. - Les fabricants devront par exemple réaliser et conserver une déclaration d’accessibilité évaluant la conformité du service aux exigences d’accessibilité, établir et conserver la documentation technique, apposer le marquage « CE » attestant de la conformité. – Les importateurs et les distributeurs devront quant à eux vérifier la conformité des produits avant leur mise sur le marché, vérifier la documentation technique et le marquage CE, conserver la déclaration de conformité durant cinq ans, prendre soin à ce que les conditions de stockage et de transport ne détériorent pas l’accessibilité du produit. – Les prestataires de services devront pouvoir justifier que leurs services respectent les exigences d’accessibilité. Chacun de ces acteurs doit prendre des mesures correctives et informer les autorités compétentes en cas de doute sur la conformité. |
Les opérateurs économiques visés par la directive peuvent enfin bénéficier d’une présomption de conformité aux exigences d’accessibilité lorsqu’ils respectent la norme harmonisée publiée au Journal officiel de l’Union européenne.[13]
–Les sanctions
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a été désignée pour contrôler la mise en conformité avec les exigences de la directive accessibilité. En plus des pouvoirs habituels de la DGCCRF, elle peut infliger aux personnes morales manquant aux obligations de la directive, une amende de 7.500 euros par infraction pouvant aller jusqu’à 15.000 euros en cas de récidive.[14]
Les sanctions doivent tenir compte de l’étendue du cas de non-conformité, notamment de sa gravité et du nombre d’unités de produits ou services non conformes mais aussi du nombre de personnes concernées.[15]
L’ARCOM, l’ARCEP, l’ACPR et l’AMF sont également susceptibles de sanctionner les manquements à la directive dans leur secteur.
- Les mesures transitoires
Des mesures transitoires peuvent retarder l’application des exigences d’accessibilité au-delà du 28 juin 2025.[16]
- Les produits mis sur le marché avant le 28 juin 2025 n’ont pas être conformes aux exigences d’accessibilité, sauf s’ils sont “remplacés”.
- Les « contrats de service » convenus avant le 28 juin 2025 peuvent être maintenus « sans modification » jusqu’à expiration et au plus tard jusqu’au 28 juin 2030.
[1] Considérant 3 de la directive 2019/882.
[2] Une personne sur six dans l’Union européenne présente une forme de handicap.
[3] Personnes âgées et femmes enceintes par exemple.
[4] Article 31 de la directive 2019/882.
[5] Loi n°2023-171 du 9 mars 2023 ; complétée par un décret d’application n°2023-931 et un arrêté du 9 octobre 2023.
[6] Les articles L. 412-13, D. 412-49 à D. 412-62 et R. 451-4-1 du Code de la consommation détaillent ces exigences.
[7] Point 46 de la directive 2019/882.
[8] Définis par la directive comme les « services fournis à distance, via des sites internet et des services intégrés sur appareils mobiles, par voie électronique et à la demande individuelle d’un consommateur, en vue de conclure un contrat de consommation ».
[9] Entreprises employant moins de 10 personnes qui fournissent des services et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 2 millions d’euros ou dont le total du bilan n’excède pas 2 millions d’euros.
[10] Sous réserve pour l’opérateur économique de procéder à son auto-évaluation reposant sur des critères définis par décret.
[11] Transport aérien, ferroviaire, par autobus, autocar, métro, trolleybus, par voie de navigation intérieure.
[12] L’annexe II de la directive 2019/882 vise la déficience intellectuelle, visuelle, l’épilepsie, les difficultés motrices, le daltonisme et la dyslexie par exemple.
[13] Article 15 de la directive 2019/882. A noter : La norme de référence est en cours de révision mais il reste possible de s’inspirer en attendant sa publicité, de la dernière version de la norme EN 301 549.
[14] Article R.451-4 du Code de la consommation.
[15] Article 30 de la directive 2019/882.
[16] Article 32 de la directive 2019/882.