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Les autorités de concurrence sont particulièrement vigilantes au fonctionnement de la concurrence dans le secteur de la distribution des médicaments et notamment des génériques, comme le démontrent les deux décisions sanctionnant des entreprises pharmaceutiques rendues respectivement par la Commission européenne (la « Commission ») et par l’Autorité de la concurrence (l’« Adlc »), ainsi que l’avis de l’Adlc n°13-A-24 du 19 décembre 2013.

Dans un communiqué de presse du 10 décembre 2013, la Commission a annoncé avoir infligé des amendes d’un montant total de 16 millions d’euros aux entreprises pharmaceutiques Johnson & Johnson et Novartis pour des pratiques mises en œuvre par chacune de leurs filiales néerlandaises.

Dans cette affaire, les filiales néerlandaises des deux entreprises pharmaceutiques, Janssen-Cilag et Sandoz, ont retardé l’entrée sur le marché néerlandais d’une version générique du médicament Fentanyl, analgésique cent fois plus puissant que la morphine.

En effet, en 2005, alors que le brevet de Johnson & Johnson portant sur cette molécule arrivait à expiration aux Pays-Bas et que Sandoz s’apprêtait à commercialiser une version générique du médicament, les deux concurrents ont conclu un accord dit de « co-promotion ». Aux termes de cet accord, Sandoz s’est abstenu d’entrer sur le marché néerlandais avec sa version générique en contrepartie de versements financiers de la part de Johnson & Johnson dont le montant excédait les profits escomptés grâce à la vente de son produit générique.

Cet accord « pay-for-delay » a ainsi retardé l’arrivée du médicament générique de près de dix-sept mois et maintenu de manière artificielle le prix élevé du médicament Fentanyl.
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Aux termes d’une décision n°13-D-21 du 18 décembre 2013, l’Adlc a sanctionné, d’une part, la société Schering-Plough, spécialisée dans la recherche et le développement ainsi que la fabrication de médicaments, et ses sociétés mères Financière MSD et Merck & Co et, d’autre part, son fournisseur, la société Reckitt Benckiser Healthcare ainsi que sa société mère, pour avoir mis en œuvre des pratiques visant à l’éviction de la société Arrow du marché français de la buprénorphine haut dosage commercialisée en ville.

Il était notamment reproché à Schering-Plough d’avoir abusé de sa position dominante en dénigrant le générique de son médicament Subutex®. Schering-Plough avait notamment axé sa communication à l’attention des praticiens sur les différences et leurs conséquences en termes d’efficacité et de sécurité entre le Subutex® et le générique développé par Arrow, alors même que son discours n’était fondé sur aucune étude médicale ou scientifique.

L’Adlc a également considéré que Schering-Plough avait abusé de sa position dominante en octroyant aux pharmaciens une réduction de prix en contrepartie de leur participation à l’enquête « remontée d’information officinale », dont le montant variait en fonction de la quantité du produit acheté et non du service lui-même. En outre, selon l’Adlc, le fait pour Schering-Plough d’accorder des délais de paiement plus longs que ceux qu’elle accordait précédemment et d’augmenter le niveau de l’escompte pour paiement comptant, visait également à empêcher l’approvisionnement des pharmaciens auprès d’Arrow.

Enfin, il était reproché à Schering-Plough et à son fournisseur Reckitt Benckiser Healthcare d’avoir participé à une entente complexe et continue visant à entraver l’accès des médicaments génériques au marché français de la buprénorphine haut dosage en ville, notamment en organisant une communication visant à dénigrer le générique développé par Arrow et en octroyant aux pharmaciens des avantages financiers à caractère fidélisant, notamment des rémunérations pour services, sans contrepartie économique.

Compte-tenu des pratiques identifiées, l’Adlc a infligé à Schering-Plough et ses sociétés mères, qui n’avaient pas contesté les griefs qui leur étaient reprochés, une amende d’un montant total de plus de 15 millions d’euros. Reckitt Benckiser Healthcare et sa société mère ont, quant à elles, été condamnées à payer une amende de 318 000 euros.
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Le 19 décembre 2013, l’Adlc a publié un avis n°13-A-24 relatif au fonctionnement de la concurrence dans le secteur de la distribution du médicament à usage humain en ville.

Dans cet avis, l’Adlc identifie plusieurs risques concurrentiels liés notamment à l’organisation et au mode de fonctionnement du secteur de la distribution du médicament à usage humain et revient longuement sur les freins apportés aux développements de la vente de génériques.

Ainsi, faisant écho à sa décision n°13-D-21 (voir ci-dessus), l’Adlc relève tout d’abord que les médicaments génériques font souvent l’objet de pratiques de dénigrement visant à les fragiliser. Elle rappelle à cet égard que de telles pratiques peuvent être appréhendées sur le fondement du droit de la concurrence lorsqu’elles visent « à empêcher ou ralentir l’entrée de médicaments génériques sur un marché donné » et qu’elles ont « pour conséquence de maintenir la délivrance du princeps à un niveau artificiellement élevé ». Pour l’Adlc, ces pratiques sont préjudiciables tant pour l’Assurance maladie que pour le consommateur.

En outre, l’Adlc consacre une section de son avis à la problématique de l’élargissement du répertoire des génériques qui aboutirait, selon elle, « à un renforcement de l’animation concurrentielle ». L’Adlc recommande ainsi « d’encourager cet élargissement lorsque les conditions de santé et de sécurité le permettent ». Après avoir constaté l’absence de création de groupes génériques portant sur les spécialités à base de paracétamol ou d’acide acétylsalicylique alors même que le Doliprane® était le cinquième médicament le plus remboursé en 2012, l’Adlc salue l’initiative de l’ANSM visant à l’inscription d’un groupe de formes orales sèches de paracétamol au répertoire des génériques.

L’Adlc revient également sur les pratiques de certains laboratoires visant à retarder l’entrée de génériques sur le marché (dépôt par les laboratoires princeps d’une multitude de brevets secondaires sur les molécules ou sur les formes peu avant l’expiration des premiers brevets, pratique du « pay-for-delay » – voir la décision de la Commission commentée ci-dessus – aux termes de laquelle un laboratoire princeps s’entend avec les laboratoires génériques pour retarder l’entrée de médicaments génériques moyennent un transfert de valeur du laboratoire princeps aux fabricants de génériques). Pour l’Adlc, de telles pratiques pourraient être appréhendées sur le fondement du droit de la concurrence.

L’Adlc revient également sur la généralisation de la mise sous tarif forfaitaire de responsabilité (« TFR ») correspondant à la fixation d’un montant unique de remboursement pour l’ensemble des médicaments relevant d’un même groupe du répertoire des génériques, appelée de leurs vœux par le Ministre de l’économie et des finances, le Ministre de la santé et la Cour des comptes. A cet égard, l’Adlc constate tout d’abord qu’en cas de mise sous TFR, les prix des princeps et des génériques tendent à s’égaliser. Elle en déduit que ceci pourrait avoir pour effet une désaffection des médicaments génériques et engendrer, à terme, une réduction de la concurrence au sein du répertoire des génériques et, par voie de conséquence, une augmentation des prix des médicaments. Elle précise en conséquence être favorable « au maintien d’un remboursement différencié entre princeps et génériques, avec un recours à la mise sous TFR […] exceptionnel ».

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