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Dans un arrêt du 31 janvier 2024, la Cour de cassation s’est prononcée en matière de rupture brutale de relations commerciales établies dans le domaine du courtage d’assurance. Un courtier était lié à son client par deux contrats, l’un de courtage, l’autre de gestion des contrats d’assurance. Les deux contrats ont été successivement rompus, la mission de gestion l’ayant été dans un premier temps sur l’initiative du courtier, et la mission de courtage l’ayant été dans un second temps sur l’initiative du client.

Deux questions étaient soumises à l’examen et à l’appréciation de la Cour de cassation : le premier sujet portait sur la suffisance du très court préavis de 3 mois laissé au courtier par le client, auteur de la rupture de la mission de courtage, pour des relations qui dataient de 37 ans ; le second sujet interrogeait sur le fondement de l’indemnisation demandée par le client au courtier auteur de la rupture de la mission de gestion.

S’agissant de la question relative à la suffisance de la durée du préavis de 3 mois au regard des 37 années de relations dans le domaine particulier du courtage, la Cour de cassation a répondu par l’affirmative : elle a considéré que l’absence d’un état de dépendance économique démontré de la part du courtier vis-à-vis du client justifiait que le préavis accordé ne soit pas plus long que celui issu des usages en vigueur dans ce domaine, en dépit de la longueur de la relation (37 ans). La Cour de cassation s’est focalisée sur la carence du courtier dans l’administration de la preuve de son état de dépendance économique vis-à-vis de son client. Ainsi, le critère de l’absence de dépendance économique démontré a prévalu sur celui de la durée de la relation commerciale et a conduit, en association avec le respect des usages applicables dans le secteur du courtage d’assurance, à modérer amplement la durée du préavis suffisant. Il convient de relever que, pour cette appréciation de l’état de dépendance économique, la Cour de cassation s’est référée à l’impossibilité pour le courtier de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’il avait nouées avec le client, et non à l’importance de la part de chiffre d’affaires que la victime réalisait avec l’auteur de la rupture.

S’agissant du préjudice réparable, l’indemnisation suite à la rupture du contrat de gestion était réclamée par le client du courtier qui pourtant, par définition, n’avait pas subi de perte de marge. Ainsi, le client réclamait réparation pour les conséquences néfastes que l’arrêt du contrat de gestion avait entraînées dans son organisation.  Précisément, le client du courtier soutenait avoir subi un préjudice du fait de la rupture par son prestataire de service de sa mission de gestion qui avait entraîné, en son sein, des dysfonctionnements et des désagréments lors du changement de gestionnaire de ses polices d’assurance. La Cour de cassation a écarté ce préjudice qu’elle a considéré être imputable non pas à la brutalité de la rupture de la relation mais à la rupture elle-même, qui n’était pas fautive. La Cour de cassation a ainsi refusé de reconnaître l’existence d’un lien de causalité entre la désorganisation de l’activité du client subissant la rupture et le caractère éventuellement brutal de celle-ci. Pour la Cour, les difficultés générées pour le client par l’arrêt du contrat et le choix d’un gestionnaire se révélant incompétent est bel et bien la conséquence de la rupture et non de sa brutalité. Il aurait peut-être fallu démontrer, pour obtenir une décision inverse de la part de la Cour de cassation, que le nouveau gestionnaire avait été choisi dans l’urgence et que ce mauvais choix avait ainsi été, pour le client, imputable à une insuffisance de préavis et donc à la brutalité de la rupture.

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