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Cass.com 24 mai 2011, n° 10-19-222

On sait que, pour être opposables aux tiers, les opérations réalisées par une société au cours ou à la fin de sa vie sociale doivent faire l’objet de formalités de publicité au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) en principe dans le délai d’un mois à compter de la réalisation de ces opérations.
Mais quel sort réserver aux actes accomplis dans ce délai par une société dissoute suite à sa fusion-absorption par une autre société ?

S’agissant des actions en justice, cette question nourrit une jurisprudence abondante et divergente, enrichie récemment  d’un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation venant régler le sort de ces actions initiées par la société absorbée durant cette période.

Rappelons brièvement que la fusion de deux sociétés entraîne la dissolution sans liquidation de la société absorbée et la transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante qui vient par suite aux droits et obligations de la société absorbée. Outre les formalités de publicité du projet de traité de fusion, préalables à la tenue des assemblées générales de chaque société qui seront réunies pour statuer sur ce projet, doivent être accomplies les formalités de publicité relatives à la réalisation de la fusion, par la société absorbante (avis de fusion et inscription modificative au RCS) et par la société absorbée (avis de dissolution, mention au RCS de cette dissolution pour cause de fusion et radiation du RCS).

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 mai 2011, la société absorbée avait assigné en fixation d’un nouveau loyer le locataire d’un appartement dont elle était propriétaire, à une date (26 novembre 2007) postérieure à la réalisation de la fusion et à sa dissolution concomitante (semble-t-il déclarée au RCS à effet du  20 septembre 2007) mais antérieure à la date de sa radiation du RCS (7 décembre 2007).

Les juges du fond avaient déclaré irrecevables l’assignation ainsi délivrée puis  les demandes de la société absorbante intervenue ensuite à l’instance,  au motif que la dissolution de la société absorbée est opposable aux tiers à compter de sa publication au RCS et que ledit RCS mentionne la radiation de la société absorbée le 7 décembre 2007 à compter du 20 septembre 2007.

Pour la chambre commerciale Cour de Cassation, au contraire, il en résulte que l’assignation était régulière car à la date où elle avait été délivrée, la dissolution de la société absorbée n’était pas encore publiée au RCS. La date à prendre en considération n’est donc pas celle de la dissolution de la société absorbée, mentionnée au RCS et déclarée en l’espèce au 20 septembre 2007, mais la date de l’accomplissement effectif des formalités de la dissolution de la société absorbée et de sa radiation du RCS en résultant, soit en l’espèce le 7 décembre 2007.

Décider le contraire conduit pour la chambre commerciale de la Cour de Cassation à violer les dispositions du Code de Commerce visées aux articles L. 123-9 (qui pose le principe de l’opposabilité aux tiers des actes sujets à mention publiés au RCS) et L. 237-2, alinéa 3(selon lequel la dissolution d’une société ne produit ses effets à l’égard des tiers qu’à compter de la date où elle est publiée au RCS).

Cette position avait déjà été affirmée par cette même chambre pour des actions initiées contre la société absorbée (notamment Cass.com. 23 janvier 2007, n° 83).
Par l’arrêt du 24 mai 2011, la chambre commerciale valide les actions en justice engagées par une société absorbée jusqu’à sa radiation du RCS, c’est-à-dire durant la période comprise entre la réalisation de la fusion et l’accomplissement effectif de la publicité de cette opération au RCS, peu important que l’extrait K Bis de la société absorbée audit RCS mentionne une date d’effet antérieure à la date de radiation.

Si cette position consiste à faire une stricte application des textes précités relatifs à l’opposabilité aux tiers de la dissolution d’une société, et à rendre inefficace à leur égard la mention sur le K Bis de la date de cette dissolution, on peut toutefois s’interroger sur la portée de cette solution qui conduit à reporter au jour de la publicité au RCS la prise d’effet de la fusion et de la dissolution simultanée de la société absorbée.

C’est d’ailleurs un point de divergence avec la  troisième chambre civile de la Cour de Cassation qui, par application de l’article L 236-4 2° du Code de Commerce déterminant la date d’effet que les sociétés participantes peuvent donner à la fusion, a jugé à l’inverse que la date à compter de laquelle société absorbée perd la capacité juridique d’agir est la date d’effet rétroactif fixée par les sociétés concernées dans le traité de fusion, la date de radiation de la société absorbée du RCS important peu (Cass. Civ. 3ème 17 mai 2006, n°609).

Mais, il semble que la chambre commerciale confirme la limitation de la portée de ces dispositions aux seules sociétés concernées par la fusion. Ainsi, que la fusion prenne effet à la date de la dernière Assemblée ayant approuvé l’opération ou à la date d’effet rétroactif ou différé prévue par le traité de fusion, cette date ne vaut qu’entre les sociétés participantes et non à l’égard des tiers vis-à-vis desquels la fusion et la dissolution de la société absorbée qu’elle entraîne produisent leurs effets à compter de la date de leur publication au RCS.

30 novembre 2011

Katia MARDESIC

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