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Nous revenons sur une décision rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation le 10 janvier 2024 (22-13.200) précisant les contours de l’obligation d’ordre public de suivi de la charge de travail des salariés ayant une convention individuelle de forfait en jours.
 
Un salarié avait été embauché en qualité de directeur d’un hôtel dans le cadre d’une convention individuelle de forfait annualisé fixée à 217 jours. Or, plusieurs dépassements du nombre de jours du forfait avaient eu lieu :

  • en 2016, le forfait annuel avait été dépassé de 25 jours ;
  • en 2017 de 26 jours ;
  • en 2018 la direction avait décidé de limiter à 166 jours le forfait, lequel avait, pour autant, été dépassé de 30 jours.

Le salarié, après avoir démissionné par lettre du 28 janvier 2019, avait saisi la juridiction prud’hommale de demandes relatives à l’exécution et à la rupture de son contrat de travail et, en particulier, à la privation d’effet de sa convention individuelle de forfait en jours annualisé.

Dans ce cadre, la Cour de cassation était notamment invitée à se prononcer sur la nécessité d’organiser un entretien individuel de suivi de la charge de travail de la convention individuelle de forfait en jours.

La cour d’appel débouta le salarié de ses demandes, et jugea que la convention individuelle de forfait en jours annualisé n’était pas privée d’effet en retenant que :

  • un entretien annuel de suivi de la convention de forfait avait bien été organisé le 13 décembre 2017 ;
  • le salarié ne pouvait se prévaloir de l’absence d’organisation d’entretien en 2018, dès lors que la société arguait qu’en raison de la démission de son directeur général le 31 décembre 2018, et la prise de poste de son remplaçant le 21 janvier 2019, les entretiens individuels de suivi du forfait de l’ensemble des cadres au titre de l’année 2018 avaient été organisés en mars 2019. La cour d’appel en déduisit que le recul de la date d’entretien individuel de suivi du forfait du salarié au 6 mars 2019 était admissible et légitime. Et, la cour d’appel ajouta que si le salarié était resté en poste, l’entretien de 2018 se serait déroulé en mars 2019 et celui relatif à l’année 2019, fin 2019.

Saisie d’un pourvoi du salarié, la Cour de cassation rappelle d’abord méthodiquement les dispositions applicables s’agissant de l’organisation de l’entretien individuel de suivi de la charge de travail dans le cadre des conventions individuelles de forfait en jours annualisé. La chambre sociale rappelle notamment que l’article L3121-60 du code du travail selon lequel « l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail » est d’ordre public (§9).
 
Ensuite, cassant la décision de la cour d’appel, la Cour de cassation juge que (§13) :

« En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de contraintes internes à l’entreprise, alors qu’elle [la cour d’appel] avait constaté que, lors de l’entretien réalisé en 2017, le salarié avait signalé l’impact sérieux de sa charge de travail et le non-respect ponctuel du repos hebdomadaire, que le repos hebdomadaire n’avait pas été respecté à plusieurs reprises en 2018 et que les convocations pour l’entretien pour 2018 n’avaient été adressées qu’en mars 2019, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
 
Ainsi, l’employeur ne peut pas se prévaloir de contraintes internes pour justifier l’absence de mise en œuvre des garanties conventionnelles et, en particulier, le report au début de l’année suivante de l’entretien individuel de suivi de la convention, d’autant plus lorsque le salarié signale l’impact sérieux de sa charge de travail et le non-respect ponctuel du repos hebdomadaire.
 
En pratique : tout report de l’entretien individuel de suivi de la charge de travail d’une convention de forfait, fragilise l’opposabilité de la convention au salarié.
 
L’entretien annuel de suivi dans le cadre du forfait en jours est une exigence impérative d’ordre public : il ne peut être reporté d’une année sur l’autre ni conditionné aux contraintes de l’entreprise.

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