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Par un arrêt du 22 mars 2023, la Cour de cassation a validé une décision d’appel (Cour d’appel de Paris 19 mai 2021) ayant écarté l’existence d’une relation commerciale « établie » et, par voie de conséquence, le caractère brutal de la rupture à terme d’un contrat à durée déterminée, en raison d’une clause d’objectifs non respectée. Cet arrêt illustre les conditions désormais bien fixées en jurisprudence de la qualification de relation commerciale « établie ».

Le contrat rompu avait été conclu entre un distributeur de produits alimentaires (produits laitiers) et deux négociants ; il prévoyait une clause d’objectifs mensuels, était à durée déterminée de 6 mois, sans tacite reconduction, et subordonnait son renouvellement à l’examen semestriel des ventes réalisées au regards des objectifs contractuellement fixés de chiffres d’affaires.

Ce contrat faisait suite à un premier contrat construit sur les mêmes bases, à l’exception des conditions de son renouvellement puisque le premier contrat comportait une clause de tacite reconduction. Cette tacite reconduction a ainsi été abandonnée dans le second contrat où, en outre, les objectifs de chiffres d’affaires mensuels avaient été augmentés.

Les objectifs n’ayant pas été atteints, les négociants ont informé le distributeur que le contrat ne serait pas renouvelé. Le distributeur a contesté cette décision en invoquant la brutalité de l’arrêt de la relation contractuelle.

La Cour d’appel de Paris, puis la Cour de cassation, dans la limite de ses pouvoirs de contrôle, ont considéré que les contrats à durée déterminée conclus entre les parties ne pouvaient pas être qualifiés de « relation commerciale établie » en raison, d’une part, des clauses d’objectifs qu’ils comportaient et, d’autre part, de l’économie générale de ces contrats qui établissait le caractère essentiel des clauses d’objectifs et donc de l’engagement du distributeur d’atteindre mensuellement les chiffres d’affaires convenus. A défaut, les négociants pouvaient ne pas renouveler le contrat et y mettre un terme (la clause conditionnant la poursuite du contrat à un examen semestriel des ventes réalisées prévoyait que les parties se retrouvaient chaque semestre pour « évaluer les réalisations/objectifs et discuter comment on va continuer » ou « comment et où on va continuer »).

Le contrat excluait ainsi de la part du distributeur toute possibilité d’anticiper de façon raisonnable qu’il serait systématiquement reconduit.

L’association de ces éléments (clause d’objectifs, contrat de courte durée, absence de tacite reconduction, augmentation des objectifs mensuels, examen semestriels des chiffres d’affaires réalisés qui conditionnent le renouvellement du contrat) rendaient nécessairement, selon les juges, la relation précaire : le distributeur ne pouvait pas légitimement croire à la pérennité de la relation commerciale qui était subordonnée expressément et clairement par les contrats au respect des clauses d’objectifs. Cette précarité excluait toute brutalité de l’arrêt de la relation.

L’arrêt rapporté montre l’importance du soin que les parties doivent apporter à la rédaction de leurs clauses d’objectifs et de leurs effets si elles souhaitent que leur relation reste précaire.

De même, doivent-elles être attentives à la mise en œuvre de ces clauses et de leurs effets :la précarité d’une relation ne pourra être effective que si les parties ne tolèrent pas de mauvaise exécution et qu’elles sanctionnent immédiatement toute non atteinte des objectifs fixés. A défaut et si elles se montrent tolérantes au regard d’objectifs non atteints, cette tolérance pourrait ensuite faire obstacle à la qualification de la relation comme étant « précaire » et rendre possible la sanction attachée à une rupture « brutale ».

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