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Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 1, 26 mars 2025, n°23/08310

Dans cette affaire, la Cour d’appel de Paris illustre l’application des principes de droit commun relatifs à l’erreur, en l’occurrence sur la personne, et ses effets contractuels dans le cadre de la production de projets cinématographiques.

En l’espèce, un producteur avait conclu des contrats de cession de droits avec deux scénaristes pour deux projets de comédies familiales. La participation de ce duo à l’écriture de ces projets avait été posée comme condition déterminante du consentement de l’interprète principal de ces films.

Suite à la signature des contrats, le producteur a estimé que l’un des auteurs avait dissimulé sa véritable identité et a refusé en conséquence de lui verser les échéances restantes, au motif qu’il avait fait preuve de déloyauté. Selon le producteur, le passé de l’auteur, associé à des activités politiques controversées et à des publications sensibles, était incompatible avec les valeurs véhiculées par les projets envisagés. Dans ce contexte, le producteur a assigné les deux auteurs en résiliation judiciaire de leurs contrats de cession.

Comme jugé en première instance, la Cour d’appel de Paris confirme la nullité des contrats conclus par l’auteur qui s’est présenté sous une autre identité. La Cour considère que le consentement du producteur a été vicié par une erreur portant sur l’identité civile de son cocontractant — une qualité essentielle dans le cadre d’un contrat conclu intuitu personae. La Cour ajoute que cette erreur, appréciée au moment de la signature, a été déterminante dans la décision du producteur de contracter.

La Cour rappelle que l’usage d’un pseudonyme est fréquent dans le milieu artistique et n’est pas en soi fautif ; néanmoins, lorsqu’il masque des éléments substantiels susceptibles d’affecter la confiance du cocontractant, l’erreur est constituée.

L’auteur soutenait qu’une simple recherche sur internet aurait suffi au producteur pour découvrir sa véritable identité. La Cour ne retient pas cet argument et donne raison au producteur, considérant qu’il avait contracté sans jamais être informé ni de l’identité réelle de l’auteur, ni de son passé controversé — des éléments qui, s’ils avaient été connus dès la signature, l’auraient conduit à ne pas conclure les contrats. Cette erreur a été jugée déterminante, notamment au regard du genre des films (comédies familiales), le passé de l’auteur faisant courir un risque financier et réputationnel au producteur.

Par ailleurs, confirmant le jugement de première instance, la Cour constate la caducité des contrats d’auteur conclus avec le second scénariste. Elle relève l’interdépendance contractuelle entre les engagements ;  les films devaient être écrits et réalisés en collaboration par le duo, et l’engagement de l’un était conditionné par la participation de l’autre. Cette interdépendance rendait l’exécution des contrats restants impossible après l’annulation des contrats de son coauteur.

La Cour infirme toutefois le jugement de première instance sur le point des restitutions en condamnant cette-fois les deux auteurs à rembourser au producteur les sommes perçues.

En revanche, la Cour rejette les demandes indemnitaires du producteur fondées sur la responsabilité délictuelle. Le manquement imputé à l’auteur – à savoir la dissimulation de son identité réelle – n’a pas été qualifié de faute dolosive au sens du Code civil, aucun comportement volontairement trompeur n’ayant été établi.

Cette décision éclaire utilement la portée de l’erreur sur la personne dans les contrats conclus intuitu personae pour la production d’un projet artistique et souligne les effets juridiques d’une interdépendance contractuelle.

Bien que la Cour ait estimé que le producteur n’était pas tenu de vérifier l’identité de l’auteur, il est recommandé aux producteurs d’adopter une vigilance accrue quant à l’identité et au parcours de leurs collaborateurs.

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