Après avoir commenté une précédente décision de la Cour de cassation rendue à propos des modalités formelles de renonciation par un employeur à une clause de non-concurrence (voir ici), nous revenons cette fois sur une décision de la Cour de cassation rendue le 29 avril 2025 (23-22191), publiée au bulletin, précisant le moment auquel cette renonciation doit intervenir en cas de licenciement d’un salarié pour inaptitude.
En l’espèce, le médecin du travail avait rendu un avis d’inaptitude précisant que l’état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement. Le salarié avait été licencié le 27 septembre 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Ce ne fut que le 8 octobre 2018, – soit 12 jours après la notification de la rupture – à l’occasion de la remise des documents de fin de contrat au salarié, que l’employeur lui notifia sa renonciation à l’exécution de la clause de non-concurrence, le contrat de travail prévoyant la possibilité pour l’employeur de le faire dans un délai de 20 jours suivant la notification de la rupture.
La cour d’appel condamna l’employeur à payer au salarié des sommes au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et au titre des congés payés y afférents en raison de la renonciation tardive de l’employeur à l’exécution de la clause de non-concurrence. Selon elle, la renonciation à la clause de non-concurrence aurait dû intervenir au plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise, soit le 27 septembre 2018, au moment de la notification du licenciement.
Rejetant le pourvoi de l’employeur, la Cour de cassation juge que (§6) :
« En cas de rupture du contrat de travail avec dispense ou impossibilité d’exécution d’un préavis par le salarié, (i) la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence, (ii) la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et (iii) la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise. »
Puis, après avoir rappelé les dispositions du 3ème alinéa de l’article L1226-4 du code du travail selon lequel le préavis n’est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement en cas de licenciement pour inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel, la chambre sociale en déduit que (§8) :
« en cas de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires, dès lors que le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler. »
La Cour de cassation donne ainsi raison à la cour d’appel ayant considéré que la renonciation à la clause de non-concurrence par l’employeur était tardive (§8 et 9).
La Cour de cassation a déjà jugé auparavant que :
- en cas de préavis exécuté, l’employeur peut renoncer à la clause de non-concurrence au cours del’exécution de celui-ci (Cass. soc., 21 mars 2018, 16-21021) ;
- en revanche, en cas de préavis dispensé, la renonciation à la clause de non-concurrence doit intervenir au plus tard au moment du départ effectif de l’entreprise, et ce, peu important l’existence de dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires (Cass. soc., 13 mars 2013, 11-21150 ; Cass. soc., 18 oct. 2017, 16-18163) ;
- « qu’en matière de rupture conventionnelle, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires » (Cass. soc., 26 janv. 2022, 20-15755, § 10, voir notre Flash ici).
La décision de la Cour de cassation ici commentée s’inscrit dans cette lignée jurisprudentielle (dont le principe s’impose quelles que soient les stipulations contractuelles), mais pour la première fois à notre connaissance, elle applique ces principes au cas d’un salarié licencié pour inaptitude. Jugé à propos d’une inaptitude consécutive à une maladie ou un accident d’origine non-professionnel, le principe s’étend, à notre sens, aux inaptitudes d’origine professionnelle. En effet, dans ce cas, le préavis n’est également pas exécuté bien que rémunéré (art. L1226-14 c. trav.).