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Nous revenons sur une décision rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation le 4 décembre 2024 (23-19528) précisant les conséquences du versement répété, pendant plusieurs années, d’une prime attribuée à tort par l’employeur.
 
En l’espèce, une salariée avait perçu une « allocation d’ancienneté » de manière constante pendant 20 ans, (1994 à 2014). Or, ces versements avaient eu lieu en raison d’une erreur de l’employeur : celui-ci n’avait pas vérifié si la salariée remplissait la condition de rémunération prévue par la convention collective de branche. Se rendant finalement compte que cette condition faisait défaut, l’employeur avait cessé ces versements à compter de 2015.
 
Estimant toutefois que cette prime était devenue un usage au sein de l’entreprise, la salariée saisit le conseil de prud’hommes afin d’obtenir un rappel de prime d’ancienneté, outre les congés payés y afférents, ainsi que des dommages et intérêts pour « résistance abusive ».
 
La cour d’appel rejeta la demande de la salariée en retenant que si l’employeur lui avait versé une allocation supplémentaire conventionnelle jusqu’en 2014 inclus, il n’était pour autant pas justifié que la salariée avait atteint le niveau de rémunération exigé conventionnellement de sorte que l’erreur de l’employeur, qui a certes perduré jusqu’à cette date, avait porté sur le versement d’une allocation conventionnelle qui ne revêtait pas le caractère d’une prime et ne pouvait donc être constitutive d’un droit acquis ou d’un usage.
 
Saisie du pourvoi de la salariée, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle d’abord le principe selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise et doivent être exécutées de bonne foi » issu de l’article 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016).
 
La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel au motif que (§8) :
 
« En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’allocation supplémentaire pour ancienneté était devenue, en raison de son paiement systématique par l’employeur de 1994 à 2014, indépendamment de toute condition conventionnelle d’attribution, un élément de rémunération de la salariée, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
 
Si en principe, l’erreur n’est pas créatrice de droit (Cass. soc., 10 mai 1979, 78-40296), et la correction d’une erreur n‘est pas considérée comme constitutive d’une modification de la rémunération du salarié nécessitant son accord exprès (Cass. soc., 19 juin 2019, 18-11272), parfois, la source du paiement d’une prime peut provenir d’une erreur de l’employeur, répétée pendant plusieurs années.
 
Cette décision s’inscrit dans la lignée d’un précédent arrêt également inédit rendu par la Cour de cassation le 13 décembre 2023, dans lequel elle avait déjà admis que la contractualisation d’une prime résultait d’une erreur de l’employeur qui, suite à un défaut de paramétrage de son logiciel de paie, avait versé par erreur, pendant 7 ans, des primes à un salarié (Cass. soc., 13 déc. 2023, 21-25501).
 
En pratique : le versement d’une prime peut résulter d’une erreur « systématique » de l’employeur créant un usage et transformant la prime en un élément de rémunération.
 
Néanmoins et pour rappel, pour qu’un usage soit caractérisé, il ne suffit pas à la prime d’être versée de façon répétée (exigence de constance), il faut également que la prime réunisse les critères de généralité, et de fixité. Ainsi, comme nous avons pu le commenter dans notre article (voir ici), la Cour de cassation juge que le simple versement répété d’une prime sur plusieurs années ne suffit pas à faire naître un usage d’entreprise quand bien même la prime litigieuse serait éventuellement versée à tous les salariés ou une catégorie d’entre eux, en l’absence de critères précis permettant d’identifier un montant fixe ou un mode de calcul régulier (Cass. soc., 20 nov. 2024, 22-24521).

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