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CADF/AC n° 3/2023 (séance du 24 novembre 2023), Affaire n° 2023-05

Une des dernières décisions du Comité d’abus de droit fiscal (CADF) récemment publiées pose la question de savoir si le fait pour un associé d’appréhender les réserves d’une société unipersonnelle par le biais d’une réduction de capital non motivée par des pertes (plutôt que par une distribution de dividendes) est constitutif d’un abus de droit.

Pour rappel, depuis 2015, les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires ou aux associés au titre du rachat par la société de ses propres titres sont imposées en tant que plus-values mobilières, c’est-à-dire avec application d’une fiscalité potentiellement plus douce que les dividendes. En effet, les plus-values dégagées sur des titres acquis avant le 1er janvier 2018 sont susceptibles, en cas d’option pour l’imposition selon barème progressif de l’IR, de bénéficier d’abattements pour durée de détention (50%, 65% voire 85%) supérieurs à celui applicable aux dividendes (40%) et aboutir à un niveau d’imposition en tout état de cause inférieur à celui en cas d’imposition des dividendes sous le régime de la flat tax (30%).

Dans l’affaire soumise au CADF, l’associé unique personne physique d’une EURL avait décidé en 2017 de procéder à une réduction de capital non motivée par des pertes, laquelle s’est traduit par une réduction de capital de moitié et le versement d’une somme de 335 000 euros au titre de la fraction de la valeur des titres rachetés et annulés excédant le montant de la réduction de capital (correspondant, au passage, à environ 50% des réserves de la société). Les sommes ainsi appréhendées ont été soumise à l’impôt sous le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu à l’article 150-0 A du CGI avec le bénéfice de l’abattement renforcé de 85%.

L’administration fiscale n’a pas hésité à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit en invoquant « une application littérale des dispositions du 6° de l’article 112 du même code dans le but exclusivement fiscal d’éluder l’impôt frappant les distributions de dividendes ».

Saisi pour avis, le CADF rappelle que le choix de la voie la moins fiscalement onéreuse n’est pas constitutive d’un abus sauf montage artificiel et estime qu’en l’espèce l’opération unique de réduction de capital n’était pas abusive en relevant notamment le fait que l’opération de réduction de capital était ponctuelle, était motivée par la volonté de réduire les capitaux propres dont le caractère excessif par rapport aux besoins de la société n’était pas contesté et de préparer la transmission à terme de l’entreprise en diminuant la valeur de celle-ci.

Malgré cet avis favorable, l’administration fiscale a décidé de ne pas se ranger à cet avis au motif notamment que l’opération ne répond à aucun des motifs poursuivis par une réduction de capital autre que celui d’appréhender les réserves de la société sous le régime fiscal plus favorable des plus-values.

Cette position de l’administration appelle d’autant plus à la prudence que l’administration dispose aujourd’hui de l’arme du « mini-abus de droit » (LPF, art. L64 A) dont le critère subjectif est limité à la poursuite d’un « but principalement fiscal » (par opposition au but exclusivement fiscal de la procédure classique de l’abus de droit). Dans l’attente de solutions jurisprudentielles claires, l’appréhension de liquidités par voie de réduction de capital doit sans doute être limitée aux opérations ponctuelles et être privilégiée dans les cas où des motifs non fiscaux peuvent être établis (opération conduisant à une modification de la structure actionnariale voire à la sortie d’un associé, création d’un report à nouveau négatif du fait de l’insuffisance des réserves distribuables, diminution significative du capital social sans reconstitution au niveau antérieur à la réduction).

Mais peut-on reprocher à un contribuable de rechercher la voie la moins onéreuse fiscalement notamment dans l’hypothèse de titres acquis et d’une diminution de la valeur de la société depuis son acquisition ?

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