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Par un jugement du 28 mars 2022, le Tribunal de commerce de Paris, saisi par le Ministre de l’économie, a jugé que plusieurs clauses du contrat liant Google à ses développeurs d’applications pour la distribution d’application sur Google Play causaient un déséquilibre significatif à ces derniers.  A ce titre, Google a été condamnée à modifier ces clauses dans un délai de 3 mois et a payé une amende de 2 millions d’euros.

Le tribunal a relevé que les critères du déséquilibre significatif étaient bien remplis.

D’une part, la situation de « soumission » des développeurs à l’égard de Google était bien caractérisée en raison de la position incontournable de Google sur le marché des plateformes de distribution d’applications, ce qui ne permettait pas aux développeurs d’avoir un réel pouvoir de négociation. En effet, les distributeurs ne pouvaient pas se permettre de ne pas distribuer leurs applications sur Google Play.

D’autre part, le tribunal rappelle que l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties suppose une analyse globale du contrat afin de vérifier si certains déséquilibres ne font pas l’objet de rééquilibrages par des contreparties stipulées dans d’autres clauses. Puis, le tribunal s’attache à examiner les déséquilibres de 7 clauses litigieuses du contrat d’adhésion de Google. Les clauses relevées portaient notamment sur :

  • Des conditions tarifaires de Google qui révélaient une inadéquation du prix par rapport au service fourni ;
  • Des modifications unilatérales auxquelles Google étaient autorisées à procéder ;
  • La possibilité pour Google, à sa seule discrétion, de retirer un produit du Store, de le reclasser, de le suspendre ou d’exclure un développeur du Store sans qu’aucune information de celui-ci ne soit prévu a priori ou a posteriori ;
  • Une résiliation asymétrique du contrat qui permettait à Google de résilier le contrat à tout moment sans délai alors que le développeur était quant à lui soumis à un préavis de trente jours ;
  • L’exploitation des données et des signes distinctifs du développeur par Google pendant la durée du contrat, selon son bon vouloir alors que l’inverse n’était pas vrai ;
  •  Les exclusions de garantie et de responsabilité au bénéfice de Google.

Ce jugement est une illustration de plus de l’ampleur du contrôle judiciaire de l’équilibre des contrats d’affaires en général. En effet, ce jugement peut être rapproché de deux précédentes décisions ayant condamné (1) un distributeur et (2) une régie sur le même fondement du déséquilibre significatif :

  1. Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 26 janvier 2022 a condamné une régie au paiement de la somme de 157 125 euros à l’annonceur pour lui avoir imposé à un annonceur de préciser le prix qu’il était disposé à acquitter pour obtenir les espaces publicitaires. Ainsi, la régie disposait de toutes les informations sur les prix d’achat proposés par les autres annonceurs, et pouvait ajuster sa proposition de vente d’espaces publicitaires, alors que l’annonceur ne disposait pas de son côté des informations équivalentes lui permettant d’ajuster ses propres propositions de prix d’achat.  
  1. Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 février 2022 a ordonné sur le fondement du déséquilibre significatif à l’enseigne de distribution Casino de restituer le montant des ristournes conditionnelles à un fournisseur pour les lui avoir imposées, et ce, au motif qu’il n’avait pas été démontré que ces ristournes avaient fait l’objet d’une négociation effective par le fournisseur et que les prestations spécifiques en contrepartie de celles-ci avaient été effectivement réalisées par Casino.
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