Le 23 mai 2025, l’Autorité belge de la concurrence (« ABC ») a sanctionné trois grands fournisseurs de produits pharmaceutiques pour leur participation à une entente anticoncurrentielle sur le marché belge des médicaments en vente libre et délivrés sans ordonnance (OTC).
Sous couvert d’un projet d’optimisation commerciale (management catégoriel) dénommé SMAN (Space Management), ces laboratoires avaient mis en place depuis les années 2000 un système d’organisation des rayons de pharmacies, fondé sur des « règles d’or » internes.
Pour mémoire, Le management catégoriel consiste à organiser et gérer la distribution d’une catégorie de produits (prise comme une unité d’analyse stratégique, comme par ex. la catégorie « petit-déjeuner »). Le management par catégorie consisterait alors, pour l’essentiel, à organiser la présentation de la catégorie de produits comme un ensemble cohérent dans le lieu de vente, plutôt que comme la juxtaposition de décisions portant sur chaque produit de la catégorie.
Souvent, le management par catégorie résulte d’une coopération entre distributeur et fournisseur afin de mieux répondre aux attentes des clients. Le fournisseur fournit des recommandations concernant non seulement ses produits, mais aussi les produits concurrents.
Théoriquement, ce type de pratique peut générer des gains d’efficacité : meilleure lisibilité de l’offre, rationalisation des assortiments, optimisation des ventes.
Cependant, cette pratique peut devenir problématique lorsque :
- le fournisseur exerce une influence unilatérale ou dominante sur la catégorie ;
- les critères d’agencement favorisent systématiquement ses propres produits ;
- les concurrents sont désavantagés sans justification objective ;
- les spécificités des points de vente ou l’intérêt des consommateurs n’est pas pris en compte.
Pour cela, ce type de coopération doit être étroitement vérifié au regard du droit de la concurrence.
En l’espèce, les laboratoires en question ont pu :
- contrôler le contenu des planogrammes (schémas de placement produits en rayon) pour exclure les produits des concurrents ;
- bénéficier d’un accès privilégié aux emplacements les plus visibles dans les pharmacies partenaires (au centre des étagères et à hauteur des yeux) ;
- exclure ou restreindre l’accès de concurrents, même payants, sur des bases discrétionnaires et discriminatoires ; et
- maintenir une opacité totale sur les critères de référencement.
En outre, la publicité des médicaments OTC étant soumises à un encadrement strict, la visibilité de ces médicaments dans les pharmacies joue donc un rôle important dans le processus de décision du consommateur.
L’ABC a retenu que les planogrammes réalisés selon les « règles d’or » et mis en œuvre dans le cadre du projet SMAN ne peuvent être considérés comme une forme acceptable de management catégoriel.
Elle a conclu à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et au droit belge, sur une période de plus de 16 ans et sur tout le territoire de la Belgique, avec une atteinte sensible à la concurrence.
De son côté, l’Autorité de la concurrence française s’est intéressée très tôt aux pratiques de management par catégorie dans la grande distribution. Dans son avis n° 10-A-25 du 7 décembre 2010, elle avait identifié plusieurs risques concurrentiels, analogues à ceux constatés dans l’affaire belge, à savoir notamment :
- les effets d’éviction des fournisseurs concurrents ;
- la facilitation des pratiques concertées.