Vidéosurveillance : il ne fallait pas surveiller le surveillant !

Délibération de la formation restreinte de la CNIL, n°2012-475, 3 janvier 2013, Syndicat des copropriétaires « Arcades des Champs Elysées ».

L’influence des technologies dans les relations professionnelles a été inscrite par la CNIL dans son programme d’étude de l’année 2013. A ce titre, la CNIL entend préciser et mettre à jour ses recommandations en matière de traitement des données de salariés, telles que le recrutement et la gestion du personnel, la géolocalisation des véhicules de salariés, les outils informatiques au travail, l’accès aux locaux et le contrôle des horaires et … la vidéosurveillance sur les lieux de travail.


C’est d’ailleurs sur ce dernier sujet que la formation contentieuse de la CNIL a eu à se prononcer, à propos d’un cas, insolite, portant sur la vidéosurveillance de l’agent de sécurité lui-même.

En l’espèce, les copropriétaires des « Arcades des Champs Elysées » avaient mis en place un système de vidéosurveillance. Suite à des plaintes de certains copropriétaires constatant l’absentéisme de l’agent de sécurité en charge du contrôle des caméras de ce dispositif, le syndicat des copropriétaires avait décidé d’installer une caméra positionnée directement sur l’agent de sécurité et ce, afin de s’assurer que celui-ci était à son poste. Ce dispositif filmait en continu les fins de semaine, ainsi que les nuits pendant la semaine. Ce traitement avait fait l’objet d’une déclaration à la CNIL, la finalité déclarée étant « la sécurité des personnes et de biens ».

Dans ses recommandations et délibérations, la CNIL indique qu’en application notamment du 3°) l’article 6 de la Loi Informatique et Libertés un système de vidéosurveillance ne doit, par principe, pas être orienté directement sur un salarié. Un tel dispositif constituerait, dans le cas contraire, une intrusion disproportionnée aux finalités recherchées. De la même manière et sauf impérieuse nécessité, les caméras ne doivent pas filmer en continu.

C’est pourquoi, la CNIL a adressé une mise en demeure au syndicat des copropriétaires de retirer le dispositif, ce qui n’a néanmoins pas été fait.

Suite à la saisine de la formation restreinte de la CNIL, le syndicat indiquait pour sa défense que la mise en place de ce système a pour objet d’assurer la sécurité des personne et ce, en luttant contre l’absentéisme de ses agents. Le syndicat faisait en outre remarquer à la CNIL que les nouveaux agents, objets de la vidéosurveillance litigieuse, ne s’étaient jamais plaints de ce dispositif.

La CNIL n’a néanmoins pas retenu cette argumentation. Même si elle reconnaît que « l’objectif de sécurité allégué n’est pas en lui-même critiquable », elle considère que ce dispositif a pour objet la sécurité des occupants via la surveillance des agents, et la sécurité des agents eux-mêmes. A ce titre, elle rappelle que la sécurité de l’immeuble est assurée par le réseau de caméras positionnées dans le bâtiment. Enfin, elle considère inopérant l’argument consistant à considérer que ce dispositif n’a pas été critiqué par les nouveaux agents de sécurité.

Au visa du 3° de l’article 6 précité ainsi que de l’article L.1121-1 du code du travail (prohibant les restrictions non justifiées aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives), la CNIL a donc considéré que ce traitement était disproportionné aux finalités recherchées.

La CNIL a, en conséquence, enjoint au Syndicat de mettre fin au caractère continu du traitement et de rendre publique la décision. Elle a également condamné le Syndicat à une sanction symbolique d’un euro.

Olivier HAYAT