Une SOFICA ne peut être titulaire d’un mandat de commercialisation

CA Paris, Pôle 5 Ch.11, 17 avril 2015

Afin de compléter le financement d’une production cinématographique, une société de production avait conclu avec une SOFICA un contrat d’association à la production.

Aux termes de cet accord, il était convenu que la SOFICA participerait au financement de la production, en échange de quoi elle bénéficierait d’un droit à recettes sur les recettes internationales, ainsi que d’un mandat exclusif de commercialisation des droits d’exploitation de l’œuvre. La SOFICA avait finalement confié un sous-mandat à un agent de ventes internationales. Les relations entre le producteur et la SOFICA se sont détériorées, et cette dernière a engagé une action judiciaire. Dans le cadre de sa défense, le producteur a alors soulevé la nullité de la clause du contrat d’association à la production prévoyant le mandat de commercialisation.

Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Paris rappelle tout d’abord clairement l’objet et le rôle des SOFICA. Selon les magistrats, une SOFICA est une société dont l’objet est le financement d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, dans les conditions prévues par la loi du 11 juillet 1985, et qui a « vocation à récupérer ses investissements par priorité ou parallèlement à tous les autres investisseurs sur les recettes disponibles issues de l’exploitation internationale des films sur tous les médias d’exploitation ».

Sur le fondement des articles 238 bis HE et 238 bis HG du code général des impôts, la Cour mentionne ensuite que les conditions d’association des SOFICA au financement d’un film sont restrictives, et que ces sociétés au statut particulier n’ont ni qualité de producteur, ni qualité de diffuseur. Elles sont habilitées à acquérir un droit à recettes sur les exploitations de l’œuvre financée, mais aucun droit d’exploitation de cette œuvre ne peut leur être confié, ce qui est expressément prévu par le code général des impôts.

La Cour rappelle également que ce même code dispose que les SOFICA ont pour activité « exclusive » le financement en capital d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, et souligne l’intérêt de cette limitation : garantir l’équilibre des intérêts entre SOFICA et producteurs indépendants.

Elle en conclut que la SOFICA ne pouvait se voir confier un mandat de commercialisation, même à titre temporaire avant de rétrocéder ces droits à un tiers. La décision s’imposait d’autant plus qu’en l’espèce la SOFICA contrôlait l’activité de l’agent à qui un sous-mandat avait été confié.

La Cour prononce donc la nullité de la clause, au motif qu’elle avait « manifestement pour objet d’éluder une règle fiscale » ce qui est bien entendu contraire à l’ordre public. La nullité de cette clause entraine la nullité du sous-mandat consenti par la SOFICA à l’agent de ventes internationales.
En revanche, la Cour d’appel juge que l’illicéité de cette clause n’entraine pas la nullité du contrat en son entier, qui a, lui, une cause licite : le financement d’un film.

Camille BURKHART

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