Une société mère n’est pas tenue de répondre des dommages causés par sa filiale

Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 juin 2012, n°11-16.109

La Cour de cassation vient réaffirmer sans ambiguïté par cet arrêt qu’une société mère n’est pastenue des dettes de sa filiale et n’est pas responsable de la rupture d’un contrat conclu par cette dernière.

En l’espèce, une société exerçant l’activité d’agent commercial avait assigné une société mère et sa filiale (i) en paiement des commissions dues par cette dernière et (ii) en dommages-intérêts en réparation de la rupture de son contrat d’agent commercial qui la liait avec la filiale.

La Cour d’appel de Paris avait fait droit aux demandes de l’agent commercial en déclarant la société mère solidairement responsable des condamnations prononcées à l’encontre de sa filiale au titre des préjudices subis par l’agent commercial.

Pour arriver à cette solution, la Cour d’appel de Paris avait retenu que la société mère s’était constamment immiscée dans les rapports entre l’agent commercial et sa filiale, qu’elle avait adressé aux lieu et place de sa filiale des courriers à l’agent concernant le contrat d’agent commercial, que certains courriers sur du papier en tête de la société mère et de la filiale ont été signés par le dirigeant de la société mère et que d’une manière générale, toutes les discussions relatives à la renégociation du contrat d’agence entre la société et la filiale ont été menées directement par la société mère.

La Cour d’appel en avait alors déduit l’immixtion de la société mère dans les relations de sa filiale avec l’agent commercial. Elle a également considéré que la société mère a exercé une activité prédominante sur sa filiale et a agi en étroite interdépendance avec elle, démontrant une autorité de fait sur les responsables de la filiale.

Elle a dès lors considéré que la société mère avait commis une faute personnelle à l’encontre de l’agent commercial, à l’origine de ses préjudices, en définissant une nouvelle politique, imposée à sa filiale, au détriment de l’agent commercial qui a conduit à la rupture des relations contractuelles existant depuis 30 ans entre l’agent commercial et la filiale.

La Cour de cassation casse cet arrêt pour défaut de base légale au visa des articles 18421 et 11652 du Code civil, reprochant à la Cour d’appel d’avoir considéré que la société mère devait être responsable des condamnations prononcées à l’encontre de sa filiale.

La Cour de cassation considère en effet que la Cour d’appel n’a pas constaté que l’immixtion de la société mère avait été de nature à créer pour l’agent commercial une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement que cette société était aussi son cocontractant.

Autrement dit, il ne suffit pas de caractériser l’immixtion de la société mère pour déclarer cette dernière responsable, il faut encore démontrer en quoi le cocontractant a pu légitimement penser que la société mère était aussi son cocontractant.

Par cet arrêt, la Cour de cassation vient confirmer la jurisprudence fixée par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation (Arrêt du 9 octobre 2006).

La Cour de cassation rappelle ainsi que chaque société d’un même groupe a une personnalité juridique propre et indépendante des autres sociétés, le groupe lui-même n’ayant pas de personnalité juridique propre.

Dès lors, au regard de ce principe de l’autonomie des personnes morales (article 1842 du Code civil) et de l’effet relatif des contrats (article 1165 du Code civil), le créancier d’une filiale ne peut demander à sa société mère l’exécution du contrat conclu avec la filiale ou la réparation du préjudice subi suite à une faute de la filiale.


[1] Article 1842 du Code civil : « Les sociétés autres que les sociétés en participation visées au chapitre III jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation. […] »

[2] Article 1165 du Code civil : « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121.»

 

Mathieu BOURSON