Une contrefaçon de format de programme télévisé sans dommages et intérêts alloués aux demanderesses

TGI Paris, 3ème Ch. 4ème sect., 20 avril 2017

Les décisions en matière de contrefaçon de formats sont peu nombreuses.

Par un jugement du 20 avril 2017, le Tribunal de grande instance de Paris a condamné une société de production pour contrefaçon, en raison de la reprise de certaines des caractéristiques d’un format d’émission télévisée, tout en rejetant la demande d’indemnisation du demandeur.

En 2009, un diffuseur et une société de production audiovisuelle A, créée par Madame L, ont conclu un contrat de production pour une nouvelle émission musicale, dont le format avait été créé par cette dernière. En 2013, le diffuseur a décidé de mettre un terme au contrat et à la diffusion du programme, et a procédé à une consultation, pour un nouveau magazine musical destiné à être diffusé sur la même chaîne.

A l’issue de cette consultation, le diffuseur a retenu l’émission musicale, proposée par une société B, qui a ultérieurement été remplacée par un autre programme musical produit par cette même société.

La société A et Madame L ont assigné le diffuseur et la société B devant le Tribunal de grande instance de Paris, pour rupture abusive des relations commerciales établies en invoquant également la contrefaçon de leur émission par les deux programmes musicaux successifs de la société B ainsi qu’à titre subsidiaire des actes de concurrence déloyale et de parasitisme.

Les demanderesses se sont ensuite désistées de leurs demandes à l’encontre du diffuseur, un protocole transactionnel ayant été conclu avec ce dernier. L’instance s’était dès lors poursuivie uniquement à l’encontre de la société B.

Outre l’interdiction sous astreinte de produire et d’exploiter les programmes litigieux, les demanderesses sollicitaient très classiquement que la société B soit condamnée à verser des dommages et intérêts, en réparation de l’atteinte portée à leurs droits d’auteur patrimoniaux et moraux.

En réponse, la société B soutenait tout d’abord que l’action engagée par les demanderesses était irrecevable en raison de la transaction intervenue entre la société B, Madame L et le diffuseur, puis contestait (i) d’une part, que le format de l’émission prétendument contrefait puisse bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur, celui-ci étant, selon elle, dépourvu de toute originalité, et (ii) d’autre part, l’existence d’une reprise contrefaisante des éléments caractéristiques du format de cette émission.

Dans son jugement du 20 avril 2017, le Tribunal a tout d’abord rejeté la fin de non-recevoir, la transaction conclue entre les demanderesses et le diffuseur ne pouvant bénéficier à la société défenderesse, conformément au principe de l’effet relatif des conventions.

Le Tribunal a ensuite étudié l’originalité du format de l’émission dont la contrefaçon était alléguée, qui résultait, selon les demanderesses, de la combinaison de dix caractéristiques. Le Tribunal a constaté que ces dix caractéristiques se retrouvaient à la fois dans la note d’intention qui avait été soumise par les demanderesses au diffuseur antérieurement à la diffusion du programme, ainsi que dans chacune des émissions du programme musical réalisées et diffusées entre 2009 et 2013. Le Tribunal a constaté l’existence de programmes de tiers plus anciens et reprenant certaines de ces dix caractéristiques. Mais aucun de ces programmes antérieurs ne reprenait la combinaison des dix caractéristiques. Par conséquent, le Tribunal a retenu l’originalité du format, car il se distinguait de ce qui existait antérieurement et révélait un effort créatif suffisant.

Le Tribunal a ensuite jugé que des actes de contrefaçon du format de l’émission ont été commis par la société défenderesse, compte tenu de la reprise de la quasi-totalité des dix caractéristiques du format des demanderesses.

S’il a reconnu l’existence d’actes contrefaisants et prononcé une mesure d’interdiction, le Tribunal a en revanche rejeté les demandes en indemnisation formulées par les demanderesses à l’encontre de la société B.

En effet, les demanderesses ayant initialement demandé la condamnation in solidum de la société B et du diffuseur, avant de se désister à l’égard de ce dernier suite à la conclusion d’un protocole transactionnel , le Tribunal a déclaré ne pas être « en mesure de savoir s’il reste un préjudice à indemniser après la transaction avec [le diffuseur](…) ».

Antoine JACQUEMART

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