Un comportement parasitaire établi par un slogan mais pas condamné

TJ Lyon, Ch.10, 20 octobre 2020

Le slogan « 5 € le tabouret, vous n’aurez qu’à dire que vous l’avez acheté dans une boutique design » d’une campagne publicitaire est à l’origine d’une action en contrefaçon de droit d’auteur et en concurrence déloyale et parasitisme qui s’est terminée par échec pour le titulaire de droits, malgré la reconnaissance des droits.

Au vu de ce slogan, la société titulaire de deux modèles déposés du tabouret en plastique en forme de diabolo dénommé « TAM TAM » fait procéder par voie d’huissier à un constat d’achat du tabouret en plastique proposé à la vente au sein d’un magasin sous l’enseigne LA FOIR’FOUILLE puis après en avoir obtenu l’autorisation, à une saisie-contrefaçon dans les locaux des magasins et enfin assigne pour violation de ses droit patrimoniaux d’auteur, en concurrence déloyale et parasitisme.

En défense, les sociétés assignées (le magasin, le vendeur ainsi que le conseil en propriété industrielle du vendeur assigné en intervention forcée et en garantie par ce dernier) présentaient plusieurs arguments usuels dans ce type d’action : (i) la nullité du procès-verbal de constat d’achat, (ii) celle du procès-verbal de saisie-contrefaçon et enfin (iii) l’absence d’originalité du tabouret « TAM TAM ».

Le Tribunal retient l’originalité du tabouret qui se caractérise d’une part dans la forme de diabolo du tabouret mais également son caractère démontable et emboîtable, qui, selon les juges, n’est pas qu’un défi technique. La combinaison revendiquée traduit donc une conception propre à l’auteur qui porte l’empreinte de sa personnalité. Elle est en ce sens originale et donc protégeable au titre du droit d’auteur.

Le procès-verbal de constat d’achat ainsi que la saisie-contrefaçon ayant été annulés, la demanderesse produit pour démontrer l’atteinte portée à ses droits, notamment des publicités parmi lesquelles celle comportant le slogan, sans reproduction du tabouret. Le tribunal retient que ces éléments attestent de la commercialisation par LA FOIR’FOUILLE d’un tabouret présentant la même physionomie que le tabouret « TAM TAM ». Cependant, selon les juges, il ne découle d’aucune pièce que les tabourets vendus présentent un caractère démontable et emboîtable. Or, l’originalité de l’œuvre n’ayant été reconnue qu’en ce qu’elle correspond à la combinaison de deux aspects (forme de diabolo et caractère démontable et emboitable), l’atteinte aux droits d’auteur n’est pas constituée, puisqu’une seule caractéristique protégeable se trouve reprise.

Le Tribunal écarte également le grief de concurrence déloyale aux motifs qu’il n’est ni soutenu ni établi que ces ressemblances seraient dues à autre chose qu’à la forme du tabouret qui appartient à un fond commun. Cette reprise ne saurait donc être déclarée fautive en l’absence d’éléments supplémentaires propres à engendrer un risque de confusion.

Le grief du parasitisme était principalement fondé sur le slogan utilisé :« 5 € le tabouret, vous n’aurez qu’à dire que vous l’avez acheté dans une boutique design ». Le tribunal juge que par ce slogan, LA FOIR’FOUILLE a cherché à s’inscrire dans le sillage du tabouret « TAM TAM », qui bénéficie d’une importante notoriété mondiale et considéré comme un objet culte des années 60, en invitant à acheter un tabouret LA FOIR’FOUILLE et à prétendre qu’il provient d’une toute autre origine.

Toutefois, la société demanderesse est déboutée de sa demande, en l’absence de demande indemnitaire formée au titre de la concurrence déloyale, la seule demande indemnitaire étant rattachée à l’indemnisation d’une atteinte à un droit d’auteur.

De même l’absence de prétention entraine le rejet par le Tribunal de la demande d’expertise présentée par la demanderesse pour évaluer « l’entier préjudice subi du fait de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ».

Finalement, la demanderesse est condamnée au titre de l’article 700 CP.