Ultime arrêt dans l’affaire de la « téléphonie mobile »

Pratiques anticoncurrentielles

Dans un arrêt du 30 mai 2012, la Cour de cassation rejette le pourvoi introduit par la société Orange à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 30 juin 2011, mettant ainsi un terme, après trois arrêts d’appel et trois arrêts de cassation, à la procédure engagée depuis 2005 dans l’affaire dite de la « téléphonie mobile ».

Pour mémoire, le 30 novembre 2005, le Conseil de la concurrence devenu Autorité de la concurrence (« AdlC ») avait condamné les sociétés Bouygues Télécom, SFR et Orange à une amende globale de 534 millions d’euros pour s’être échangées de manière régulière, de 1997 à 2003, des informations confidentielles relatives au marché des services de téléphonie mobile. Ces échanges avaient été considérés par l’AdlC comme étant de nature à réduire l’autonomie commerciale de chacune des entreprises concernées et, par voie de conséquence, le niveau de concurrence sur ce marché oligopolistique.

Dans un arrêt du 30 juin 2011, la Cour d’appel de Paris avait confirmé la décision de l’AdlC en ce qu’elle avait infligé à la société Orange une amende de 256 millions d’euros (voir la Lettre Economique n°115).

La société Orange s’était donc pourvue en cassation. Elle soutenait que la Cour d’appel avait fait une analyse erronée i) du niveau de gravité des pratiques qui lui étaient reprochées et ii) du dommage à l’économie qu’elles auraient causé.

S’agissant de la gravité des pratiques, la société Orange soutenait notamment que la Cour d’appel n’aurait pas dû considérer que les opérateurs avaient eu conscience d’enfreindre le droit de la concurrence alors même que les pratiques reprochées étaient anticoncurrentielles par leurs effets et non par leur objet. En outre, pour la société Orange, les opérateurs ne pouvaient pas être considérés comme ayant eu conscience que leurs échanges avaient un caractère anticoncurrentiel, dans la mesure où le caractère anticoncurrentiel des échanges d’informations n’avait été établi qu’à l’issue d’une procédure longue de près de dix ans.

S’agissant du dommage à l’économie, la société Orange soutenait notamment que la Cour d’appel aurait dû analyser de manière distincte le dommage causé à l’économie entre 1997 et 2000, d’une part, et entre 2001 et 2003, d’autre part, dans la mesure où le mode de fonctionnement du marché avait été substantiellement modifié à compter de 2000. La société Orange arguait également que la Cour d’appel avait, à tort, modéré le niveau de la sensibilité de la demande au prix sous prétexte que la demande des consommateurs dépendait non seulement du prix des services mais également de la taille du parc des abonnés.

La Cour de cassation rejette l’ensemble des moyens de la société Orange. Elle estime en effet que la Cour d’appel « a fait une appréciation mesurée de la gravité » des pratiques reprochées et que le « caractère confidentiel et stratégique des informations échangées, la parfaite régularité des échanges ainsi organisés et leur poursuite pendant six années jusqu’à ce que la mise en œuvre de l’enquête administrative y mette fin, révèlent et traduisent tout à la fois la gravité concrète de la pratique incriminée et la conscience  qu’avaient tous les opérateurs concernés d’enfreindre les règles de la concurrence ». La Cour de cassation relève également qu’il importe peu que « la pratique ait été qualifiée d’anticoncurrentielle seulement par ses effets et que sa qualification ait fait l’objet de contestation entraînant une longue procédure ».

La Cour de cassation conclut également que la Cour d’appel a « par une décision légalement justifiée, mesuré le dommage causé à l’économie par la pratique en cause, tant en ce qui concerne les consommateurs, que la structure du marché et l’économie générale ».

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