Sur la recevabilité à agir d’un auteur d’une œuvre de collaboration
TJ Paris, 3ème Ch., 26 septembre 2025, n°21/15334
L’indivision entre les co-auteurs d’une œuvre de collaboration instaurée par l’article L113-3 du Code de la propriété intellectuelle a généré un contentieux s’agissant de la recevabilité à agir d’un co-auteur.
La jurisprudence a été amenée, à plusieurs reprises, à apporter des précisions sur l’exercice du droit d’agir d’un co-auteur d’une œuvre de collaboration.
En l’espèce, une fois n’est pas coutume, la fin de non-recevoir soulevée devant le tribunal était invoquée dans le cadre d’une action en résiliation de plusieurs contrats d’édition. Il était reproché à l’auteur, demandeur à l’action, de ne pas avoir attrait dans la cause l’ensemble des co-auteurs des œuvres dont la résiliation des contrats était demandée.
Pour contester la fin de non-recevoir, le demandeur faisait valoir que pas moins de 60 coauteurs avaient participé à la création des 149 œuvres musicales de collaboration objet de la demande et que leur identification était particulièrement complexe. Dès lors, imposer la mise en cause de tous les auteurs était de nature à porter une atteinte disproportionnée à son droit d’accès à un tribunal en vertu de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Le demandeur soutenait également que cette obligation de mise en cause de l’ensemble des coauteurs n’était nécessaire que dans le cadre d’actions en contrefaçon, sachant que la résolution des contrats de cession et d’édition n’affecterait en rien les autres coauteurs des œuvres musicales de collaboration.
Le tribunal accueille néanmoins la fin de non-recevoir et juge l’auteur irrecevable à agir en l’absence de mis en cause de ses co-auteurs.
Il précise que le principe jurisprudentiel selon lequel le coauteur d’une œuvre de collaboration qui agit en justice pour la défense de ses droits patrimoniaux ou moraux est tenu de mettre en cause les autres auteurs de cette œuvre à peine d’irrecevabilité, s’applique non seulement en cas d’action en contrefaçon mais également en matière contractuelle dès lors qu’il existe un lien d’indivisibilité unissant les co-auteurs.
Cette fin de non-recevoir trouve sa justification dans la nécessité de ne pas permettre qu’une action affecte les droits d’un auteur sur une œuvre sans qu’il ne soit préalablement attrait à la cause et mis en mesure de défendre ses droits.
En l’espèce, les juges relèvent une interdépendance entre les contrats d’édition de l’auteur et les droits des autres co-auteurs. En effet, la résolution des contrats d’édition est de nature à affecter les conditions d’exploitation des œuvres de collaboration actuellement organisées dans le cadre de leur co-édition d’autant que l’auteur ne proposait pas de garantir aux autres co-auteurs après la résiliation la poursuite des engagements pris par l’éditeur.
Enfin, en réponse au demandeur, les juges soulignent qu’il n’est pas démontré en l’espèce que la recherche des co-auteurs soit particulièrement difficile, bien qu’ils soient très nombreux, ni que l’exigence de leur mise en cause soit disproportionnée au regard de l’exercice des droits de l’auteur.
L’on rappellera que dans le cadre d’une action en contrefaçon, la mise en cause des co-auteurs s’applique tant aux co-auteurs de l’œuvre première qu’à ceux de l’œuvre arguée de contrefaçon. La règle de l’indivision est uniquement nuancée lorsque la contribution peut être séparée.