Sur la notion de « mauvaise foi » du déposant

CJUE, 27 juin 2013, C-320/12, Malaysia Dairy Industries Pte. Ltd c. Ankenaevnet for Patenter og Varemaerker

La Cour de justice se prononce sur la notion de « mauvaise foi » utilisée à l’article 4 paragraphe 4, sous g) de la directive 2008/95 selon lequel:
« Un Etat membre peut en outre prévoir qu’une marque est refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle lorsque et dans la mesure où :

[…]
g) la marque peut être confondue avec une marque utilisée à l’étranger au moment du dépôt de la demande et qui continue d’y être utilisée, si la demande a été faite de mauvaise foi par le demandeur. »

En l’espèce, les sociétés Malaysia Dairy et Yakult se disputent leur droit de marque sur la forme d’une bouteille en plastique de yaourt à boire.

Dans les années soixante, la société japonaise Yakult a obtenu, au Japon, l’enregistrement de sa bouteille en tant que marque. La société Malaysia Dairy a, quant à elle, enregistré la même marque en Malaisie en 1980. Les sociétés ont effectué d’autres dépôts ultérieurs dans plusieurs pays. Notamment, Malaysia Dairy a obtenu en 1995 l’enregistrement, au Danemark, de sa bouteille en plastique en tant que marque tridimensionnelle. Yakult s’y oppose en 2000 en invoquant le fait que Malaysia Dairy « connaissait ou aurait dû connaître l’existence, à l’étranger, de marques antérieures identiques dont Yakult est titulaire ».

Différentes procédures sont menées devant l’office des brevets et des marques danois ainsi que devant les juridictions danoises. La juridiction de renvoi constate qu’il existe un désaccord entre les parties dans le litige sur la question de savoir si la notion de « mauvaise foi » doit être interprétée de manière uniforme dans l’Union et d’autre part, s’il suffit, pour conclure à la mauvaise foi du demandeur au sens de la directive 2008/95, d’établir que le demandeur connaissait ou aurait dû connaître la marque étrangère.

La juridiction de renvoi sursoit donc à statuer et pose à la Cour de justice plusieurs questions préjudicielles visant à clarifier la notion de « mauvaise foi ».

Dans un premier temps la Cour énonce que la notion de « mauvaise foi » constitue une notion autonome du droit de l’Union qui doit recevoir une interprétation uniforme dans toute l’Union. Ainsi, place ne peut être faite à des interprétations nationales divergentes.

Dans un deuxième temps, la Cour précise que la mauvaise foi s’apprécie de manière globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et existants au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, et notamment le fait que le demandeur savait ou aurait dû savoir qu’un tiers utilisait un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire. Toutefois, selon la Cour, le fait que le déposant « sait ou doit savoir qu’un tiers utilise un tel signe ne suffit pas, (…), pour établir l’existence de la mauvaise foi de ce demandeur ». Il convient en outre de prendre en compte l’intention du déposant au moment du dépôt de la marque.

Enfin la Cour indique que la directive 2008/95 ne permet pas aux Etats membres d’instituer un régime de protection particulière des marques étrangères fondé sur le fait que le déposant connaissait ou aurait dû connaître une marque étrangère. En effet, la directive en question interdit aux Etats membres d’introduire des motifs de refus ou de nullité autres que ceux figurant dans cette directive.

Dès lors, le seul fait que Malaysia Dairy connaissait l’existence des marques identiques de Yakult à l’étranger ne suffit pas à établir sa mauvaise foi. Pour obtenir la nullité de la marque, il faudra également se fonder sur l’intention subjective de Malaysia Dairy.

Eve PIWNICA

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