Site de « fan » : la passion ne constitue pas un intérêt légitime permettant l’usage des marques d’un tiers en tant que nom de domaine

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI, Société d’Exploitation de la Tour Eiffel c. M. X.

Le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI a rendu, le 11 août 2014, une décision relative à l’exploitation par un « fan » d’un nom de domaine reproduisant des marques enregistrées.

En l’espèce, la Société d’Exploitation de la Tour Eiffel a déposé une plainte UDRP (Uniform Domain-Name Resolution Policy) auprès de l’OMPI afin d’obtenir la transmission à son profit du nom de domaine « tour-eiffel.net », enregistré et exploité par un tiers. La Société d’Exploitation de la Tour Eiffel se fonde sur une marque communautaire et deux marques françaises « LA TOUR EIFFEL » dont elle est respectivement titulaire et licenciée exclusive.

La requérante soutient que le nom de domaine litigieux étant similaire aux marques sur lesquelles elle détient les droits, il existe un risque de confusion pour les internautes qui peuvent penser que le site internet accessible à l’adresse « tour-eiffel.net » est un site officiel de la Tour Eiffel. Par ailleurs, l’exploitant du site internet litigieux ne dispose d’aucun intérêt légitime qui pourrait justifier la réservation du nom de domaine litigieux. Enfin, le défendeur aurait réservé le nom de domaine en cause de mauvaise foi, en s’abstenant de toute vérification préalable et en détournant la notoriété de la Tour Eiffel à des fins lucratives, le site proposant des encarts publicitaires.

Le défendeur fait valoir notamment qu’il est passionné par la Tour Eiffel, ce qui lui confèrerait un intérêt légitime pour exploiter le nom de domaine litigieux, afin de faire partager sa passion, et que le nom « Tour Eiffel » appartiendrait au domaine public. Enfin, il indique que les encarts publicitaires affichés sur sa page internet n’ont vocation qu’à couvrir ses frais de fonctionnement.

La commission en charge du litige rappelle les trois conditions d’application de la procédure UDRP :
– Le nom de domaine litigieux est identique ou similaire à une marque sur laquelle le requérant a des droits, au point de prêter à confusion,
– Le détenteur du nom de domaine litigieux n’a aucun droit sur ce nom, ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache,
– Le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

Dans le cas d’espèce, la commission constate la très forte similitude entre les marques enregistrées et le nom de domaine litigieux. L’ajout d’un trait d’union et de l’extension .net, pas plus que la suppression du terme « la » présent dans les marques antérieures, ne sont de nature à écarter la similarité entre les signes. Cette similarité prête nécessairement à confusion pour l’internaute d’attention moyenne.

En second lieu, le défendeur ne démontre pas avoir un quelconque droit de propriété intellectuelle sur la dénomination « Tour Eiffel » et n’a jamais été autorisé à utiliser cette dénomination. La commission souligne que sa « passion » pas plus que le fait que la Tour Eiffel soit un monument historique ne peuvent constituer un intérêt légitime pour le défendeur. Elle applique en cela le raisonnement habituel des commissions administratives sur les sites de « fans », considérant que l’exploitant de ce type de site ne peut se prévaloir d’un intérêt légitime lorsque (i) le nom de domaine est quasi-identique à la marque antérieure, (ii) il tire un avantage commercial du site, et (iii) le contenu du site internet porte à confusion. La commission considère qu’en l’espèce ces trois conditions sont remplies.

Par conséquent, les trois conditions des Principes Directeurs régissant le Règlement Uniforme des litiges relatifs aux noms de domaines sont remplies et le nom de domaine litigieux doit dès lors être transféré au titulaire des marques.

Cette décision rappelle qu’un titulaire de marques peut valablement s’opposer à leur usage à titre de nom de domaine par des « fans », dès lors que l’usage du nom de domaine litigieux est effectué de mauvaise foi, ce qui peut notamment être caractérisée par la présence d’encarts publicitaires sur le site internet exploité.

Anne-Sophie LABORDE

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Confirmation en appel du statut d’éditeur d’un site de vente aux enchères et de parking de noms de domaine