Rupture conventionnelle : de l’incidence de la fausse information donnée par l’employeur sur l’application d’une clause de non-concurrence lors des entretiens préalables à la signature de la convention

Cass. soc. 9 juin 2015, 14-10192

La Cour de cassation donne une nouvelle illustration des éléments susceptibles de conduire à l’annulation d’une rupture conventionnelle pour vice du consentement.


Un salarié et son employeur ont signé une rupture conventionnelle, qui a été homologuée. Sa signature s’était déroulée dans un climat conflictuel. Un mois avant les premiers entretiens sur la rupture, l’employeur avait adressé au salarié un avertissement reprochant des manquements professionnels se concluant par la phrase suivante : « nous vous demandons soit de continuer à exercer vos fonctions avec professionnalisme en exécutant votre contrat de bonne foi dans le respect de l’obligation de loyauté qui vous incombe, soit de prendre vos responsabilités en prenant l’initiative de la rupture de votre contrat de travail ».

Par ailleurs, lors des entretiens qui ont précédé la signature de la convention de rupture, l’employeur avait indiqué au salarié qu’il percevrait pendant 12 mois une contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence, d’un montant important, puisqu’il s’agissait de deux tiers du salaire net. Mais trois jours après la rupture du contrat de travail, l’employeur déliait le salarié de son obligation de non-concurrence et s’abstenait donc de verser la contrepartie financière.

Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que son consentement avait été vicié.

La Cour d’Appel, sur la base de ces différents éléments a annulé la convention de rupture. L’employeur a formé un pourvoi, faisait valoir que l’existence d’un différend entre les parties ou la notification d’un avertissement précédant une rupture conventionnelle, ne saurait suffire à caractériser un vice du consentement et justifier l’annulation de la convention de rupture. Par ailleurs, selon l’employeur, l’existence d’un désaccord entre les parties relatif à l’interprétation de la convention et aux suites de la rupture (la dispense de l’obligation de non-concurrence), apparu postérieurement à l’homologation, au seul stade de sa mise en œuvre, ne suffit pas à établir l’existence d’un vice du consentement.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur, soulignant que la Cour d’appel a exactement fait ressortir que le consentement du salarié avait été vicié :

– l’avertissement adressé un mois plus tôt au salarié, le jour où s’était tenu l’entretien à l’issue duquel le salarié avait demandé un « licenciement conventionnel », se concluait par une incitation à rompre son contrat de travail,

– le fait d’avoir indiqué au salarié lors des entretiens préalables à la rupture qu’il percevrait pendant douze mois la contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence, alors que l’employeur l’avait délié cette obligation après la rupture du contrat.

La Cour de cassation rappelle régulièrement que si l’existence d’un différend au moment de la conclusion d’une convention de rupture n’affecte pas en elle-même la validité de cette convention, la rupture conventionnelle ne doit pas être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Sans doute le salarié n’aurait-il pas pris la décision de signer la convention si l’employeur lui avait fait part de son intention de lever la clause de non-concurrence, d’autant plus qu’à la lecture du moyen annexe l’on apprend que le montant de l’indemnité de rupture n’était que de 1300 euros.

Il est donc important d’être prudent dans les informations communiquées au salarié lors des différents entretiens préalable à la signature, et qui sont susceptibles d’influencer le salarié dans sa décision. Lorsque cela concerne la clause de non-concurrence, il est recommandé de mentionner dans la convention ou son annexe, l’intention de l’employeur (dispense ou exécution).

D’ailleurs certaines conventions collectives (c’est le cas de celle des Ingénieurs et cadres de la Métallurgie, à l’article 28), imposent à l’employeur qui souhaite renoncer à l’application de la clause de non-concurrence de le faire dans la convention de rupture.

Muriel de LAMBERTERIE

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