Rétractation d’une promesse unilatérale de vente : le refus de l’exécution forcée est confirmée

Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 13 septembre 2011, n° 10-19.526, Société Vectora c/ Société Française de gastronomie

La Cour de cassation s’est de nouveau prononcée sur les conséquences de la rétractation d’une promesse unilatérale de vente mais pour la première fois, c’est la Chambre commerciale qui s’est exprimée sur cette question. Celle-ci a confirmé sans ambiguïté, en dépit d’une très large critique de la doctrine, la jurisprudence de la 3e Chambre civile selon laquelle la rétractation du promettant antérieurement à la levée de l’option empêche la formation de la vente et ne peut être sanctionnée que par l’allocation de dommages-intérêts. Cette jurisprudence, notamment rendue en matière de promesse de vente d’immeuble, avait été initiée par un arrêt du 15 décembre 1993 et a été confirmée récemment par un arrêt du 11 mai 2011.

En l’espèce, une promesse d’achat et une promesse de vente avaient été signées entre deux sociétés en 2005. L’une de ces sociétés s’était engagée envers l’autre société à lui vendre sa participation dans une société. L’option pouvait être levée par le bénéficiaire entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2009. De nombreux litiges ayant opposé les parties, le promettant a rétracté sa promesse le 5 mars 2007. Le bénéficiaire de la promesse de vente a exercé son option le 7 janvier 2008 et poursuivi le promettant en exécution forcée de la vente.

La Cour d’appel de Paris a considéré que la vente était devenue parfaite à la date de la levée de l’option en retenant que l’offre du promettant était irrévocable en l’absence de disposition dans la promesse de vente autorisant la rétractation de celui-ci avant le 1er janvier 2008, et que le bénéficiaire avait levé l’option dans le délai stipulé, soit le 7 janvier 2008. Pour la Cour d’appel, le promettant n’était pas fondée à soutenir qu’il avait valablement rétracté sa promesse de vente par lettre du 5 mars 2007.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé cet arrêt au visa des arrêts 1101, 1134 et 1583 du Code civil en considérant que la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée.

Cet arrêt confirme ainsi l’importance d’insérer dans les promesses de vente des dispositions contractuelles tendant à en assurer leur efficacité. En effet, la jurisprudence admet la validité de ce type de clause, la Cour de cassation ayant retenu que les parties à une promesse unilatérale de vente étaient libres de convenir que le défaut d’exécution par le promettant de son engagement de vente pouvait se résoudre en nature par la constatation judiciaire de la vente. La rédaction de cette clause d’exécution forcée devra être précise afin de lui en assurer sa pleine efficacité.

Même si elle n’assure pas l’exécution forcée en nature de la promesse, une autre possibilité d’aménager contractuellement les conséquences de l’inexécution est d’insérer une clause pénale. Cette clause aura l’avantage de prévoir d’une part des indemnités supérieures à celles qui sont accordées par les juges, lesquelles sont bien souvent dérisoires, et d’autre part, d’inciter le promettant à exécuter sa promesse. Il convient toutefois de rappeler l’inconvénient des clauses pénales, à savoir que le juge a le pouvoir de diminuer le montant des indemnités fixées.

Un autre type de clause pouvant être insérée dans les promesses est la clause de dédit qui permet au promettant de revenir sur son engagement moyennant le versement d’une certaine somme (à la différence de la clause pénale qui vise à sanctionner l’inexécution, le dédit est la possibilité accordée au promettant de ne pas exécuter son engagement moyennant le paiement d’une somme). L’avantage de la clause de dédit par rapport à la clause pénale est que le juge ne peut pas diminuer les indemnités de dédit. Toutefois, la différence de qualification entre ces deux types de clause est parfois mince et il existe un risque de requalification, notamment lorsque les indemnités fixées pour le dédit sont importantes.

On notera cependant un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation5 qui a considéré que la clause stipulant une indemnité de dédit ne s’analysait pas en une clause pénale ayant pour objet de faire assurer par l’une des parties l’exécution de son obligation mais en une faculté de dédit permettant à une des parties de se soustraire à cette exécution et excluait le pouvoir du juge de diminuer ou supprimer l’indemnité convenue. L’inconvénient de cette clause de dédit demeure le risque de la rétractation de la promesse.

Mathieu BOURSON