Réintégration nécessairement rapide de la salariée enceinte qui en justifie dans les 15 jours de son licenciement

Cass. Soc. 15 décembre 2015, 14-10522

Lorsqu’une salariée envoie à son employeur, dans les 15 jours de la notification de son licenciement, un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte, l’employeur doit la réintégrer rapidement au sein de son entreprise. A défaut, si l’employeur informe tardivement l’intéressée de sa décision de la réintégrer, cette dernière peut refuser la réintégration et solliciter des dommages et intérêts pour licenciement nul, outre un rappel de salaire pendant toute la période de nullité.

Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes (art. L1225-4 c. trav.). Si le contrat est néanmoins rompu, cette rupture est nulle. Outre, les indemnités de rupture (indemnité de licenciement, préavis et dommages et intérêts pour licenciement nul), la salariée se verra également verser le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité (art. L1225-71 c. trav.).

Une salariée n’ayant pas nécessairement informé son employeur de son état de grossesse, il lui est permis de fournir l’information a posteriori de son licenciement. Si cette information, via un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte, est envoyée par l’intéressée dans les 15 jours de la notification de son congédiement, ce dernier sera annulé et la salariée devra être réintégrée au sein de l’entreprise (art. L1225-5 c. trav.). Cette réintégration s’impose à toutes les parties, y compris à la salariée qui commet une faute en ne revenant pas travailler ; faute qui peut être sanctionnée (Cass. Soc. 8 mars 1984, 81-42140). Par ailleurs, la salariée ne peut pas solliciter des dommages et intérêts en lieu et place de sa réintégration, sauf à démontrer l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement (Cass. Soc. 4 novembre 1988, 86-42669).

Cette réintégration s’impose à l’employeur même si la grossesse est postérieure au licenciement mais révélée dans les 15 jours (Cass. Soc. 2 juillet 2014, 13-12496 : au cas d’espèce, la salariée avait été licenciée par lettre du 15 octobre, la date de conception avait été évaluée au 16 octobre et la salariée avait sollicité sa réintégration le 30 octobre).

La Cour de cassation vient de donner une précision importante dans un arrêt du 15 décembre 2015 : lorsque la salariée sollicite sa réintégration, l’employeur doit s’exécuter sans tarder. A défaut, la salariée pourra ne pas maintenir sa demande de réintégration et obtenir, en lieu et place, des dommages et intérêts pour licenciement nul (Cass. Soc. 15 décembre 2015, 14-10522).

Ce faisant, la haute juridiction fournit donc deux informations d’importance :

– la décision de réintégration de la salariée doit intervenir rapidement ; en l’occurrence, la salariée avait avisé l’employeur par lettre du 4 juin qu’elle était enceinte et ladite lettre avait été réceptionnée le 12 suivant ; l’employeur avait alors notifié sa réintégration à la salariée par courrier du 16 juillet, reçu le 20 suivant (étant précisé que la salariée avait saisi le conseil de prud’hommes entre temps, le 17 juillet) ; l’employeur mit donc plus d’un mois pour réagir, ce qui fut jugé tardif par la cour d’appel, étant précisé que, d’après la Cour de cassation, le caractère tardif de la décision de l’employeur relève de l’appréciation souveraine des juges du fond ;

– si la décision de réintégration de l’employeur est tardive, la salariée peut refuser de réintégrer l’entreprise et prétendre aux indemnités versées en cas de licenciement nul.

S’agissant du caractère tardif de la décision, l’arrêt précise qu’il s’apprécie « au regard de la date de connaissance par l’employeur de cet état [de grossesse] ». En l’espèce, il s’était donc écoulé un délai d’un mois et 4 jours. La haute juridiction avait déjà rendu des décisions en la matière et jugé tardif les délais suivants : 26 jours (Cass. Soc. 7 juillet 1988, 86-45256) ; un mois (Cass. Soc. 30 septembre 1992, 88-44629) ; un mois et 18 jours (Cass. Soc. 9 juillet 2008, 07-41927).

S’agissant de l’indemnisation, la décision précise :

« si, à la suite de la notification par la salariée d’un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte, l’employeur revient tardivement sur sa décision de licencier, la salariée, qui n’est pas tenue d’accepter la réintégration proposée, a droit, outre les indemnités de rupture et une indemnité au moins égale à six mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement, aux salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité »

La condamnation au rappel de salaires en sus pourra donc augmenter significativement le montant des condamnations car la période couverte par la nullité débute à la grossesse de la salariée et prend fin une fois écoulée 4 semaines suivant l’expiration du congé de maternité (art. L1225-4 c. trav.).

Il est toutefois rappelé que si l’employeur justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement, la salariée ne pourra pas solliciter sa réintégration même en produisant, dans les 15 jours de la notification de son licenciement, un certificat justifiant qu’elle est enceinte, sauf à ce que la rupture du contrat soit intervenue durant le congé de maternité (période de protection ne souffrant aucune exception, art. L1225-4 al. 2 c. trav.).

Romain PIETRI

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