Recevabilité de la forclusion par tolérance dans le cadre d’une action en responsabilité fondée sur l’atteinte à la marque notoire.

Cass. Com., 6 janvier 2015

La société Hachette Filipacchi est titulaire des marques françaises « Match » et « Paris-Match », déposées respectivement en 1977 et 1968. La société Match.com, qui exploite un site de rencontre, est titulaire de la marque communautaire « Match.com » déposée le 1er avril 1996. Cette marque a fait l’objet d’une procédure d’opposition devant l’OHMI sur le fondement des marques françaises antérieures « Match » et « Paris-Match ». La marque litigieuse a finalement été enregistrée le 9 mars 2004 pour des « services d’information et de conseils sous la forme de présentation et d’agence matrimoniale en ligne ». La société Hachette assigne alors la société Match.com pour atteinte à ses marques notoires sur le fondement de l’article L.713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, ainsi qu’en contrefaçon de marque.

La société Match.com soulève en réponse la forclusion par tolérance, prévue à l’article L.716-5 du Code de Propriété intellectuelle, en faisant valoir que la société Hachette aurait toléré l’usage de la marque « Match.com ». Or, l’article L.716-5 du Code de la Propriété intellectuelle vise spécifiquement « l’action en contrefaçon » d’une marque dont l’usage a été toléré pendant plus de cinq années. Le demandeur soutient donc que la forclusion par tolérance ne peut s’appliquer qu’à l’action en contrefaçon, et non à l’action en responsabilité intentée sur le fondement des marques notoires, qui n’est pas, au sens strict, une action en contrefaçon. Par ailleurs, le demandeur souligne que la forclusion par tolérance suppose un usage effectif de la marque postérieure. En l’espèce, le site « match.com » comptait 1978 abonnés français en 2000, et a été exploité en langue anglaise exclusivement jusqu’en 2002. La société Hachette en déduit que le site n’était pas destiné à un public français et ne faisait ainsi pas l’objet d’une exploitation en France – au moins jusqu’à 2002. L’usage effectif de la marque litigieux n’aurait ainsi pas été toléré pendant cinq ans. Enfin, la société Hachette invoque que le dépôt de la marque litigieuse aurait été frauduleux, afin d’instaurer une confusion avec la marque antérieure notoire « Match ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la décision de la Cour d’appel de Paris.

Ainsi, la Cour confirme que la forclusion par tolérance prévue à l’article L.716-5 du Code de la Propriété Intellectuelle peut être opposée à tout titulaire d’une marque antérieure, y compris lorsque le signe est exploité dans une autre spécialité, recouvrant ainsi l’hypothèse d’une action pour atteinte à une marque notoire. Si cette interprétation étend la portée de l’article L.716-5 qui vise spécifiquement l’action en contrefaçon, il convient néanmoins de souligner que le règlement CE n°207/2009 prévoit, en son article 54§2, que le titulaire d’une marque nationale antérieure, qui a toléré pendant cinq années consécutives l’usage d’une marque communautaire postérieure dans l’État membre où ce signe antérieur est protégé, en connaissance de cet usage, ne peut plus demander la nullité ni s’opposer à l’usage de la marque postérieure sur la base du signe antérieur, à moins que le dépôt de la marque communautaire postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi. Ainsi, le règlement CE n°207/2009 prévoit spécifiquement que la forclusion par tolérance s’applique à toutes les actions visant à s’opposer à l’usage de la marque postérieure, et non spécifiquement à l’action en contrefaçon.

La Cour retient que l’abonnement de 1978 personnes dans les années 2000 suffit à démontrer que la marque était effectivement utilisée sur le territoire français, ce dont la société Hachette était informée dès lors que le nombre d’abonnés lui avait été communiqué dans le cadre de la procédure d’opposition devant l’OHMI.

Enfin, la Cour de cassation estime que le dépôt de la marque « match.com » ne peut être considéré comme frauduleux dès lors que le signe match.com constitue la dénomination sociale de la société déposante, qui est d’ailleurs titulaire d’une marque éponyme aux Etats-Unis, la mauvaise foi ne pouvant résulter de la seule connaissance de la marque antérieure.

Anne Sophie LABORDE

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