Projet de loi de finances pour 2024 (PLF 2024)

1 – CVAE : étalement progressif de la suppression totale initialement prévue en 2024 (art. 8).

Le PLF 2024 propose, conformément aux annonces gouvernementales de cet été, d’échelonner sur 4 ans la suppression de la CVAE initialement prévue à partir du 1er janvier 2024.

Ce processus de suppression progressive de la CVAE s’étalerait linéairement sur quatre ans :

  • le taux d’imposition maximal de la CVAE passerait ainsi de 0,375 % en 2023 à 0,28% en 2024, 0,9% en 2025, 0,09% en 2026, avec suppression totale en 2027 ;
  • le taux de plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée serait réduit à 1,531% en 2024, 1,438% en 2025, 1,344% en 2026 et 1,25% à compter de 2027 (pour la seule CFE à compter de 2027) ;
  • afin d’assurer une stabilité des ressources des Chambres de Commerce et d’Industrie, le taux de la taxe additionnelle pour frais de CCI serait progressivement augmenté de 6,92 % à 9,23% en 2024, 13,84% en 2025, et 27,68% en 2026 ;
  • le dégrèvement complémentaire de 250 € lorsque le CAHT de l’entreprise est inférieur à 2 M€ serait progressivement réduit à 188 € en 2024, 125 € en 2025 et 63 € en 2026 ;
  • la cotisation minimum resterait supprimée dès 2024.

2 – Renforcement du contrôle des prix de transfert des entreprises multinationales (art. 22).

Le PLF 2024 instaure plusieurs mesures du plan de lutte contre la fraude annoncée par le gouvernement en mai 2023, plusieurs d’entre elles tendant à renforcer la capacité de l’administration fiscale à contrôler les prix de transfert c’est-à-dire des transactions entre sociétés liées situées dans des pays différents :

  • à compter des exercices ouverts le 1er janvier 2024, le seuil de chiffre d’affaires ou d’actif brut au-delà duquel les groupes sont tenus de présenter une documentation de leur politique de prix de transfert (actuellement fixé à 400 M€) serait abaissé à 150 M€ ;
  • la documentation sur les prix de transfert deviendrait opposable au contribuable en cas de non-respect de la politique décrite dans celle-ci aboutissant de fait à une présomption de transfert indirect de bénéfices à l’étranger en cas de divergence entre la documentation et la politique effectivement appliquée ;
  • le montant de l’amende minimale en cas d’absence de communication de la documentation sur les prix de transfert serait porté de 10 K€ à 50 K€ par exercice ;
  • en cas de transferts d’actifs incorporels difficiles à évaluer[1]) :
  • sous réserve de mécanismes de sauvegarde, l’administration disposerait de la possibilité de contester la valeur de transfert en se basant sur les résultats postérieurs à l’exercice au cours duquel a eu lieu la transaction (CGI, art.238 bis-0 I ter nouveau) ;
  • le délai de reprise de l’administration fiscale serait allongé et pourrait s’exercer jusqu’à la fin de la 6ème année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due (LPF, art. L. 171 nouveau) ;
  • l’administration aurait le droit de renouveler le contrôle d’un exercice déjà vérifié (LPF, art. L. 51, 8° nouveau).

3 – Introduction d’un taux minimum mondial d’imposition pour les groupes d’entreprises de grande envergure (art. 4).

Le PLF 2024 transpose en droit interne la directive (UE) 2022/2523 du 14 décembre 2022 dite « Pilier 2 » et introduit un taux minimal d’imposition de 15 % sur les bénéfices des groupes de plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Le dispositif concerne :

  • les entreprises présentes en France des groupes multinationaux réalisant un chiffre d’affaires consolidé d’au moins 750 millions d’euros au cours de deux des quatre exercices précédents ; ainsi que
  • les entreprises françaises appartenant à un groupe national, atteignant le même seuil de chiffre d’affaires, et opérant uniquement en France (avec une tolérance pour ces dernières au titre des 5 premiers exercices).

Un impôt complémentaire sera mis à la charge de la société mère du groupe, lorsque le taux effectif global d’imposition des filiales du groupe situées dans un même État est inférieur au taux minimum de 15 % du résultat réalisé par lesdites entités (« résultat GloBE »). Le résultat des entités pour les besoins de ce calcul est issu des états financiers établis aux fins de consolidation des comptes du groupe, avant toute correction afférente aux opérations réalisées entre entités du groupe. Afin d’éviter les distorsions entre les États, il fait l’objet de retraitements spécifiques et harmonisés permettant de déterminer un « résultat qualifié » pour chacune de ces entités.

L’imposition complémentaire pourra être collectée selon deux schémas distincts :

  • à titre principal, en vertu de la « règle d’inclusion du revenu » (« RIR ») selon laquelle l’impôt est payé par la société mère ultime du groupe, ou
  • à défaut (notamment lorsque la législation de l’Etat de résidence de la société mère ultime ne prévoit pas de RIR), en vertu de la « règle des bénéfices insuffisamment imposés » (« RBII »), selon laquelle l’impôt complémentaire est réparti entre les entités du groupe situées dans des Etats appliquant la RBII.

Le PLF instaure par ailleurs un impôt national complémentaire (« INC ») conformément à la possibilité prévue par la Directive pour les Etats qui le souhaitent. Basé sur la même assiette que l’impôt complémentaire « RIR », le montant de l’INC correspond au supplément d’impôt résultant de la différence entre le taux d’imposition minimal de 15 % et le taux effectif d’imposition applicable aux entités situées en France. L’élimination de la double imposition se ferait par voie d’imputation de l’INC sur l’impôt complémentaire RIR ou RBII.

Le texte reprend les mesures de sauvegarde temporaires prévues par l’OCDE (test de minimis[2], test de taux effectif d’imposition, test de substance).

Les entités constitutives appartenant à des groupes entrant dans le champ d’application de Pilier 2 seraient tenues de fournir certains éléments d’information dans leurs déclarations de résultat (appartenance à un tel groupe, l’identité de la société mère ultime, entité du groupe déposant la déclaration d’information, Etats dans lesquels les entités sont situées, etc.).

Sauf dispense (notamment si une autre entité transmet la déclaration à la France), le dépôt de la déclaration d’information et du relevé de liquidation de l’impôt complémentaire se ferait dans les 15 mois suivant la clôture de l’exercice (18 en cas de première entrée dans le champ d’application).

Une pénalité de 100 K€ est prévue en cas de défaut de souscription ou de dépôt tardif (50 K€ pour les autres manquements) avec un plafond de 1 M€ par exercice pour la totalité des pénalités mises à la charge des entités constitutives situées en France d’un même groupe.

Le droit de reprise de l’administration s’exercerait jusqu’à la fin de la 5ème année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.

Les règles d’imposition minimale s’appliqueraient aux exercices ouverts à compter du 31/12/2023, (à l’exception des règles RBII qui s’appliqueront aux exercices ouverts à compter du 31/12/2024).


[1] Il s’agit des actifs ou droits incorporels pour lesquels, au moment du transfert, il n’existe ni comparables fiables ni prévisions suffisamment certaines des flux de trésorerie ou de revenus futurs, ou du niveau de réussite finale. Leur définition est identique à celle figurant dans les Principes de l’OCDE en matière de Prix de Transfert (Ed 2022 Chapitre VI. D.4 paragraphe 6.189).

[2] L’INC est, sur option, réputé nul au niveau de l’ensemble des entités constitutives situées dans l’Etat ou territoire en question si, au titre de l’exercice et des deux exercices précédents, la moyenne des chiffres d’affaires cumulés est inférieure à 10 M€ et la moyenne des bénéficies qualifiés nets est inférieur à 1 M€.