Prise en compte dans l’effectif des salariés mis à disposition

Cass. soc. 15 avril 2015, 14-20200

Entrent dans le calcul de l’effectif d’une entreprise utilisatrice les salariés mis à disposition – c’est-à-dire ceux des sous-traitants, des prestataires de service ou encore des sociétés pratiquant des prêts de main d’œuvre licite – à la condition qu’ils travaillent, de façon non-ponctuelle, sur les mêmes lieux que les salariés de l’entreprise utilisatrice.


Quel employeur ne s’est pas heurté à la difficile question du calcul de l’effectif de son entreprise (notamment pour l’organisation des élections professionnelles) ? A cette occasion, la difficulté est accrue si des salariés d’entreprises extérieures lui sont mis à disposition.

Le code du travail dispose que sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise, « les salariés mis à la disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure qui sont présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice et y travaillent depuis au moins un an » (art. L1111-2 2° c. trav.).

La Cour de cassation juge que les salariés concernés doivent être « intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail … partageant ainsi [avec l’entreprise utilisatrice] des conditions en partie communes susceptibles de générer des intérêts communs » (Cass. soc. 14 avril 2010, 09-60367 ; Cass. soc. 15 avril 2015, 14-20200). Cette bonne intégration s’entend des salariés « mis à disposition » (1) et « présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice » (2).

1. Notion de mise à disposition

La notion de « salariés mis à la disposition de l’entreprise » n’est pas explicitée par le législateur.

La question se pose de savoir si toutes les entreprises extérieures sont susceptibles, dans leurs relations contractuelles avec l’entreprise utilisatrice, de « mettre leur salariés à disposition » au sens de l’article L1111-2 2° du code du travail ou si le cadre juridique de leurs relations a une incidence. Autrement dit, faut-il distinguer selon que les salariés de l’entreprise extérieure interviennent dans le cadre d’une sous-traitance, d’une prestation de service ou encore d’un prêt de main-d’œuvre ?

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation tranche cette question en jugeant que la nature juridique des liens entre les entreprises utilisatrice et extérieure est sans importance (Cass. soc. 15 avril 2015, 14-20200). En conséquence, sous-traitance, prestation de service ou encore prêt de main-d’œuvre sont de la « mise à disposition » et les salariés concernés peuvent être pris en compte dans l’effectif s’ils sont « présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice ».

2. Notion de travail dans les locaux de l’entreprise utilisatrice

La notion de salariés « présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice » exclut-elle les salariés d’entreprises extérieures travaillant à distance, en dehors du site, dans les locaux des entreprises sous-traitantes, ou encore sur des chantiers ou installations extérieures ?

D’après la Cour de cassation, l’absence de partage « des conditions de travail en parties communes, susceptibles de générer des intérêts communs [avec les salariés de l’entreprise utilisatrice] » exclut la prise en compte des salariés concernés dans l’effectif. Ainsi, jugea-t-elle que les salariés d’une entreprise de transport, mis à la disposition d’une entreprise commissionnaire, ne devaient pas être pris en compte dans les effectifs de cette dernière, dès lors qu’ils n’étaient pas à sa disposition exclusive, mais travaillaient indifféremment pour plusieurs transporteurs et qu’ils n’étaient présents que de manière ponctuelle dans ses locaux (Cass. soc. 14 avril 2010, 09-60367).

En revanche, dès lors que les salariés mis à disposition « travaillent sur les mêmes lieux que les salariés de l’entreprise utilisatrice », ils doivent être pris en compte dans l’effectif (Cass. soc. 15 avril 2015, 14-20200). La notion de « locaux de l’entreprise utilisatrice » est donc interprétée de façon extensive. Il ne s’agit pas seulement des établissements de l’employeur mais de tous les lieux où travaillent ses salariés. Ainsi, dans le BTP, cela s’étend aux chantiers sur lesquels ses propres salariés effectuent également une prestation de travail (Cass. soc. 15 avril 2015, 14-20200).

En conclusion, le simple fait, pour les salariés d’une entreprise extérieure, de travailler pour l’entreprise utilisatrice est insuffisant. Encore faut-il que la prestation de travail ait lieu au même endroit que celle des salariés de l’entreprise utilisatrice. Ainsi, cela exclut, le travail à distance, en dehors du site, dans les locaux des entreprises sous-traitantes, ou sur des chantiers ou installations extérieures sauf la présence, non-ponctuelle, des salariés de l’entreprise utilisatrice.

Romain PIETRI

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