Présomption de salariat et ressortissants de l’Union Européenne

Cass. soc., 14 mai 2014, Société des amis de la musique de Strasbourg c/ Les Congés Spectacles

La présomption de salariat des artistes-interprètes imposée par le Code du travail s’applique-t-elle aux étrangers ressortissants de l’Union Européenne ? La Cour de cassation, dans cet arrêt du 14 mai 2014, en précise le régime.

L’association « la Société des amis de la musique de Strasbourg » (la SAMS) avait été assignée par la caisse de congés payés dite « les congés spectacles ». Cette dernière réclamait la condamnation de l’association au paiement de cotisations de congés payés pour l’emploi de plusieurs artistes dans le courant des années 90. Or, certains de ces artistes étaient ressortissants d’autres Etats membres de l’Union Européenne.

La demanderesse fondait son action sur une interprétation de la présomption de salariat applicable aux artistes-interprètes en vertu de l’article L.7121-3 du code du travail1.

En défense, l’association invoquait une décision de la Cour de justice de l’Union Européenne du 18 juin 20062. Dans le cadre de cette affaire, la Cour de justice avait déclaré que la présomption de salariat prévue par le Code du travail français constituait une entrave à la libre prestation de service prévue par le traité de Rome lorsqu’elle s’applique aux « artistes exerçant habituellement leur activité dans d’autres Etats membres de l’Union européenne » (artistes travailleurs indépendants établis dans d’autres Etats membres).

La Cour de justice estimait que cette entrave résultait du fait que la présomption de salariat entraine des coûts supplémentaires pour l’employeur, notamment attachés au paiement de cotisations sociales. Cela serait de nature à décourager la production desdits artistes auprès d’organisateurs de spectacles situés sur le territoire français. La Cour ajoutait aussi qu’aucun motif tenant à la protection sociale des prestataires de services ou à la lutte contre le travail dissimulé ne permettait de justifier une telle entrave.

La Cour d’appel de Colmar a pourtant ici condamné la SAMS à verser les cotisations, au motif que celle-ci n’avait pas justifié que les artistes concernés exerçaient cette activité à titre de prestataires de services indépendants dans leur état d’origine.

La Cour de cassation a confirmé cette interprétation. Après avoir rappelé la décision de la Cour de justice, elle ajoute qu’il « incombe à la partie soutenant que les artistes sont reconnus comme prestataires de service dans leur état d’origine d’en rapporter la preuve ». Elle conclut enfin que l’association, n’ayant pas rapporté la preuve du statut de travailleur indépendant des artistes en cause, ne pouvait demander que la présomption de salariat soit écartée.

Ainsi, l’établissement du caractère indépendant de l’activité de l’artiste-interprète est nécessairement préalable à la mise à l’écart de la présomption de salariat de l’article L. 7121-3 du Code du travail.

Enfin, il convient de rappeler qu’un nouvel article avait été inséré dans le Code du travail suite à l’arrêt de la Cour de justice , excluant la présomption de salariat s’agissant des « artistes reconnus comme prestataires de services établis dans un Etat membre où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France, par la voie de la prestation de services, à titre temporaire et indépendant ».

Il dispose donc bien que la présomption de salariat est exclue pour les artistes qui sont « reconnus » comme travailleurs indépendants.

L’établissement de ce statut est donc, tant au sens du Code du travail que de l’interprétation de la Cour de cassation, un préalable indispensable pour écarter la présomption de salariat des artistes-interprètes.

1 Il dispose que « tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce »

2 CJUE, C-255/04, Commission c/ République française

Camille BURKHART

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