Précisions de la CJUE quant à la détermination de la juridiction compétente en cas d’atteinte au droit d’auteur en ligne.

CJUE, 3 octobre 2013, Affaire C-170/12, Pinckney c. KDG Mediatech AG

Une juridiction dans le ressort de laquelle est accessible l’offre de vente en ligne d’un CD peut connaître de l’atteinte portée aux droits d’auteur protégés dans son Etat membre. Cette compétence est cependant limitée au seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre dont elle relève.

En l’espèce, un auteur-compositeur-interprète vivant en France avait découvert qu’une société autrichienne reproduisait sans autorisation ses chansons sur CD et que des sociétés britanniques les commercialisaient au moyen de sites internet accessibles en France.

Afin d’obtenir la réparation du préjudice causé par l’atteinte à ses droits d’auteur, le musicien français assigne la société autrichienne devant le Tribunal de grande instance de Toulouse. La compétence des juridictions françaises est alors contestée par la société, qui estime que seules les juridictions du lieu de domicile du défendeur (l’Autriche) ou celles du lieu de réalisation du dommage (le Royaume-Uni) sont compétentes.

Le litige est finalement porté devant la Cour de cassation mais dans un arrêt du 5 avril 2012, cette dernière sursoit à statuer et saisit la CJUE de diverses questions préjudicielles.

Tout d’abord, les juges de la CJUE devaient indiquer si, en cas d’atteinte aux droits d’auteurs résultant de la mise en ligne de contenus sur un site Internet, la victime pouvait agir devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel le contenu mis en ligne était accessible, afin que la réparation du dommage causé sur le territoire de la dite juridiction soit obtenue.

Ensuite, ils devaient préciser si les contenus visés devaient être destinés au public situé sur le territoire de cet Etat membre, ou le cas échéant, si un autre lien de rattachement pouvant être caractérisé.

Il convient de rappeler que le règlement européen n°44/2001 du 22 décembre 2000 sur la compétence judiciaire en matière civile et commerciale prévoit que la juridiction compétente est en principe celle du domicile du défendeur et par exception celle du « lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».

Les juges précisent tout d’abord la notion de « lieu où le fait dommageable s’est produit » en soulignant qu’elle correspond à la fois au lieu de la matérialisation du dommage et au lieu de l’événement causal qui est à l’origine du dommage. Le demandeur est donc libre d’assigner devant le tribunal de l’un de ces deux lieux.

Ils énoncent ensuite qu’ « en cas d’atteintes commises par Internet et susceptibles, de ce fait, de se matérialiser dans de nombreux lieux, le lieu de la matérialisation du dommage peut varier en fonction de la nature du droit prétendument violé ».

La Cour admet donc la compétence des juridictions du lieu de matérialisation du dommage tout en précisant les conditions de cette compétence.

Elle rappelle que « le dommage ne peut se matérialiser dans un Etat membre déterminé qu’à condition que le droit dont la violation est alléguée y soit protégé » et ajoute qu’ « il n’est pas requis que l’activité dommageable ait été dirigée vers l’Etat membre de la juridiction saisie », la simple accessibilité au site internet étant suffisante.

Ainsi, la juridiction de l’Etat membre qui protège les droits patrimoniaux dont le demandeur se prévaut et dans le ressort de laquelle le dommage allégué risque de se matérialiser est compétente pour connaître d’une violation alléguée de droits d’auteur.

Toutefois, la Cour spécifie que « cette juridiction n’est compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre dont elle relève ».

Par cette décision très attendue, la CJUE définit plus précisément la notion de lieu de matérialisation du dommage en cas d’atteintes aux droits d’auteur commises par Internet et consacre le critère de l’accessibilité. Cette approche apparaît nouvelle puisque la jurisprudences françaises et européennes appliquaient généralement le critère de focalisation, consistant à exiger que l’offre à la vente soit spécifiquement destinée aux consommateurs situés sur le territoire visé pour que ses juridictions soient compétentes.

Consciente des difficultés que posait le principe de territorialité en droit d’auteur, notamment dans le cadre d’infractions commises en ligne, la CJUE permet ainsi aux titulaires de droits d’auteurs de poursuivre devant leurs tribunaux toutes personnes ayant violé leur droit national.

Robin D’HERAIN

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