Pas de période d’essai lorsque l’employeur connaît déjà les compétences du salarié antérieurement auto-entrepreneur
Une décision rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation le 29 avril 2025 (23-22389) précise les limites d’une période d’essai dans un contrat de travail lorsque l’employeur a déjà collaboré antérieurement avec le salarié, en qualité de travailleur indépendant, pour les mêmes fonctions.
En l’espèce, une agente commerciale avait collaboré pendant 9 mois (du 2 novembre 2019 au 31 août 2020) avec une société en tant qu’indépendante. Puis, à compter du 1er septembre 2020, elle avait été embauchée par cette même société dans le cadre d’un contrat de travail portant sur un emploi d’agenceuse vendeuse. Ce contrat de travail prévoyait une période d’essai de deux mois, soit jusqu’au 1er novembre 2020, et, le 13 octobre 2020, l’employeur mit fin à la période d’essai.
La salariée saisit la juridiction prud’hommale afin d’obtenir la nullité de la période d’essai et la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour d’appel rejeta les demandes de la salariée considérant que la période d’essai prévue au contrat de travail était justifiée dès lors que la salariée n’avait pas été liée précédemment par un contrat de travail avec la société de sorte que l’employeur n’avait pas pu « déjà » apprécier ses capacités professionnelles dans ce cadre-là.
Saisie du pourvoi de la salariée, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle d’abord la finalité de la période d’essai telle que prévue à l’article L1221-20 du code du travail à savoir que (§6) : « la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. ».
Puis, cassant la décision de la cour d’appel, la chambre sociale juge que (§8) :
« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’employeur n’avait pas eu l’occasion d’apprécier les aptitudes professionnelles de la salariée lors de la précédente relation de travail, quelle qu’en soit la forme, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
La Cour de cassation réaffirme donc que la finalité de la période d’essai interdit d’en stipuler une dans le contrat de travail lorsque l’employeur a déjà eu l’occasion d’évaluer les capacités professionnelles du salarié dans le cadre d’une relation de travail antérieure, même exercée sous un autre statut. Cette décision s’inscrit dans la lignée d’une décision rendue par la Cour de cassation 10 ans auparavant s’agissant d’une salariée ayant collaboré pendant 7 ans avec une société puis embauchée par un contrat de travail pour les mêmes fonctions, la Cour de cassation invalidant la période d’essai prévue au contrat de travail (Cass. soc., 21 janv. 2015, 13-21875).
A notre sens, c’est parce que les contrats de travailleur indépendant et de travail se sont succédé que cette solution se justifiait. Si une certaine durée s’était écoulée entre les deux contrats, la période d’essai stipulée au contrat de travail eût pu se justifier.
En pratique, sauf disposition conventionnelle contraire, une période d’essai ne peut pas non plus être imposée :
- en cas de CDD successifs sur un même emploi (Cass. soc., 5 oct. 2016, 15-16384) ;
- lorsque le contrat d’apprentissage est suivi de la signature d’un CDI dans la même entreprise (art. L6222-16 al. 1er c. trav.) ;
- en cas de changement d’employeur faisant suite à un transfert d’entreprise (Cass. soc., 26 mai 1998, 96-40536), y compris lorsque le salarié a été licencié par le cédant avant d’être réembauché par le cessionnaire sur le même poste (Cass. soc., 25 sept. 2013, 12-20256).
En revanche, l’insertion d’une période d’essai reste possible si le contrat de travail qui succède à un contrat de travailleur indépendant porte sur un poste différent de celui précédemment exercé, permettant ainsi à l’employeur de vérifier des compétences nouvelles.