Pacte d’actionnaires : de sa caducité découlant d’une clause impossible à respecter

Dans un arrêt du 4 octobre 20111, la Cour Suprême retient, par une interprétation souveraine de la volonté des parties, qu’une clause d’exclusivité d’un pacte d’actionnaires devient caduque lorsque son débiteur, révoqué et licencié de ses fonctions, est dans l’impossibilité de consacrer tous ses efforts au développement de la société comme le prévoyait la clause.
Rappelons que, traditionnellement, la clause d’exclusivité ou de non-concurrence pesant sur le cédant de titres sociaux n’est valable que si elle est limitée dans le temps ou dans l’espace et si elle n’empêche pas ce dernier d’exercer une activité lui permettant de vivre.

La question posée aux Hauts Magistrats est de considérer, si un tel associé est encore tenu par une clause d’exclusivité, dès lors qu’il cesse d’être salarié ou mandataire social.
En l’espèce, un associé d’une S.A.S., qui en était également président et salarié, signe un pacte d’actionnaires le 21 avril 2001, aux termes duquel il reconnaissait être :

* conscient que son industrie était essentielle à la réussite de l’entreprise et désireux de cette réussite qui constituait le véritable objet de sa souscription aux statuts de la société de la société, [et donc il] s’engageait pour une période de 24 mois à compter de la signature des statuts, à consacrer tous ses efforts au développement exclusif de la société BMA.

Suite à la révocation de ses fonctions le 3 avril 2002 et à son licenciement le 19 août de la même année, il avait créé une entreprise concurrente de la société BMA. Cette dernière avait alors agi en réparation contre l’intéressé pour violation de la clause d’exclusivité du pacte.
La Chambre commerciale a rejeté cette action au motif que :

* la clause d’exclusivité ne pouvait être comprise indépendamment du lien de collaboration ayant existé entre [l’intéressé]  et la société BMA et que son objet se limitait donc implicitement mais nécessairement aux conditions de l’exercice de la collaboration des associés entre eux au bénéficie de la société BMA ;

* l’intéressé, qui avait été révoqué et licencié de la société BMA, avait ainsi été mis, du fait des circonstances non prévues par le pacte d’actionnaires, dans l’impossibilité de respecter cet engagement ; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel3 a pu déduire que l’engagement de [l’intéressé] était caduc.

Dès lors, il est fait application au pacte d’actionnaires de la règle selon laquelle un contrat s’éteint par caducité lorsque son exécution est devenue impossible en raison de la disparition d’un de ses éléments déterminants.

En conséquence, lors de la conclusion d’un pacte d’actionnaires, si des actionnaires sont également salariés ou mandataires sociaux de la société, nous ne pouvons que recommander d’être attentif à la rédaction de la clause d’exclusivité.

 

Grégoire GAUGER       Matthieu BRINGER