Œuvre de collaboration : rappel du caractère essentiel de l’apport créatif

Cass. civ. 1, 11 mai 2017

L’œuvre de collaboration, définie par le premier alinéa de l’article L113-2 du Code de la propriété intellectuelle, est l’oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. Elle a dès lors la caractéristique d’être la propriété indivise des coauteurs, qui exercent leurs droits d’un commun accord. Néanmoins, le coauteur doit pouvoir démontrer son apport créatif pour se voir reconnaître cette qualité. Ce critère est au cœur de la décision rendue par la Cour de cassation le 11 mai dernier.

Par une convention signée le 6 juin 1962, le peintre Georges Braque, figure emblématique du cubisme, avait autorisé le lapidaire Heger de Löwenfled à reproduire certaines de ses œuvres en trois dimensions. Une sculpture en bronze doré intitulée « Hermès 1963 », réalisée à partir d’une gouache du peintre, fera l’objet de fontes posthumes. L’une d’elles sera mise en vente aux enchères le 19 novembre 2006 et acquise en indivision.
L’un des acquéreurs, rencontrant des difficultés pour honorer sa part du financement, a engagé une action en liquidation et partage de l’indivision. Pour vérifier l’authenticité de l’œuvre, il sollicite l’intervention d’un expert qui conclut que la sculpture ne peut être attribuée à Braque, le lapidaire ayant lui-même réalisé une gouache et un modèle en laiton soudé pour assurer l’aboutissement de son travail.

Dès lors, l’acquéreur conteste la paternité de l’œuvre et demande l’annulation de la vente pour erreur et pour dol, ayant clairement manifesté lors de la conclusion de l’acte qu’il souhaitait acquérir une sculpture du célèbre peintre.

Sur ce point, la Cour d’appel a rappelé que l’auteur d’une œuvre est celui qui concourt à sa réalisation par le biais de son apport créatif, lui conférant l’empreinte de sa personnalité, peu importe qu’il n’exécute pas lui-même les opérations matérielles de fabrication.

La Cour de cassation confirme cette position. Elle souligne qu’aurait dû être démontré l’apport créatif du lapidaire à la réalisation de l’œuvre. Or, à défaut de la production de tels éléments au débat, la Cour d’appel ne pouvait qu’attribuer la paternité de la sculpture à Georges Braque, celle-ci ayant été réalisée avec son accord à partir d’un dessin qu’il a conçu.

Cette décision vient rappeler le caractère primordial de l’apport créatif dans la qualification de coauteur. En l’espèce, bien qu’ayant apporté son expertise et exécuté un travail demandant une technicité certaine, il n’était pas pour autant établi en quoi les choix personnels du lapidaire pouvaient avoir eu une répercussion sur la sculpture telle que conçue intellectuellement par le peintre.

Malgré ce constat, la vente avait été annulée par la Cour d’appel. En effet, celle-ci avait jugé que pour être considérés comme des œuvres originales, les tirages auraient dû être contrôlés par les ayants droit ; l’exemplaire n’ayant été approuvé que par les ayants droit du lapidaire et non par ceux du peintre, il aurait dû être qualifié de simple reproduction. La Haute Cour casse cette décision au visa de l’article 16 du Code de procédure civile. En effet, ce moyen ayant été relevé d’office et les parties n’ayant pas été en mesure de faire valoir leurs observations quant à la nécessité d’un tel contrôle, la Cour de cassation les renverra devant la Cour d’appel de Paris autrement composée.

Ugo-Xavier LOIACONO

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