Nouvel avis de la CEPC concernant l’application des règles relatives à la revente à perte et l’encadrement des promotions dans le secteur alimentaire (avis n°25-3)
L’avis n°25-3 en date du 15 mai 2025 fait suite à une demande d’avis portant sur l’application des règles relatives à la revente à perte, à l’encadrement des promotions ainsi qu’aux nouveaux instruments promotionnels (les « NIP ») dans le cas où, dans un réseau de distribution de produits alimentaires, une centrale d’achats intervient comme fournisseur de supermarchés franchisés (et non comme mandataire de ces derniers).
Dans ce schéma de distribution, les produits alimentaires sont considérés comme « revendus en l’état » par la centrale d’achats aux supermarchés franchisés.
Dans ce contexte, la CEPC était principalement invitée à se prononcer sur des éléments portant sur : (i) la détermination du seuil de revente à perte applicable dans ce schéma ; (ii) la nécessité de conclure un contrat de mandat lorsque la centrale d’achats finance des opérations promotionnelles à destination des consommateurs et, le cas échéant, l’incidence de ces opérations promotionnelles sur le seuil de revente à perte ; puis enfin plus largement sur l’encadrement des avantages promotionnels accordés aux consommateurs.
- Concernant la détermination du seuil de revente à perte applicable aux produits alimentaires revendus en l’état par une centrale d’achat à des supermarchés indépendants
Pour rappel, le dispositif de rehaussement du seuil de revente à perte de 10 % pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie – instauré par l’ordonnance n°2018-1128 du 12 décembre 2018 à titre expérimental et prolongé depuis par différentes lois successives[1] dont dernièrement la loi n° 2025-337 du 14 avril 2025 visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire – prévoit que :
« Le prix d’achat effectif défini au deuxième alinéa du I de l’article L. 442-5 du code de commerce est affecté d’un coefficient de 1,10 pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie revendus en l’état au consommateur, à l’exception des produits assujettis aux droits de consommation mentionnés au I de l’article 403 du code général des impôts »[2].
Considérant qu’il résulte de la lettre des dispositions légales, faisant référence aux denrées alimentaires et produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie « revendus en l’état au consommateur », que cette mesure est limitée aux seules reventes en l’état à destination des consommateurs, la CEPC en conclut qu’elle ne s’applique pas aux opérations de revente en l’état entre professionnels.
Autrement dit, une centrale d’achat ayant fait l’acquisition de denrées alimentaires n’a pas à appliquer, lors de leur revente à des supermarchés indépendants, le coefficient de 1,10 pour déterminer le seuil de revente à perte à respecter. Ce coefficient devra en revanche être appliqué par les supermarchés lors de la revente desdits produits aux consommateurs.
- Concernant la mise en place d’opérations promotionnelles à destination des consommateurs à l’initiative de la centrale d’achats et l’encadrement des promotions dans le domaine alimentaire
Était d’abord posée la question de savoir si des contrats de mandat conformes aux exigences de l’article L. 441-4, VII du code de commerce (dits « mandats NIP ») devaient être établis lorsque la centrale d’achats finance elle-même une opération promotionnelle à destination des consommateurs, en procédant au remboursement des avantages consentis en caisse à ces derniers par les magasins.
- Sur cette question, la CEPC considère que lorsque la centrale d’achats donne mandat aux supermarchés qu’elle approvisionne d’octroyer, en son nom et pour son compte, aux consommateurs lors de leur passage en caisse, des avantages promotionnels sur les produits revendus, l’opération relève effectivement de l’article L. 441-4, VII du code de commerce et nécessite donc la conclusion de mandat respectant les modalités prévues à cet article.
S’agissant ensuite de l’incidence sur le respect de l’interdiction de la revente à perte des avantages octroyés aux consommateurs dans le cadre de contrats de mandat NIP, la CEPC considère que ces avantages étant octroyés par la centrale d’achats directement aux consommateurs (et non pas au supermarché) :
- ils n’affectent pas les éléments à prendre en compte par le supermarché (i.e. prix de revente et prix d’achat effectif) pour le calcul de son seuil de revente à perte ;
- ils ne minorent pas le prix auxquels les produits sont revendus par la centrale d’achat, de sorte qu’ils sont également sans incidence sur le respect de l’interdiction de la revente à perte par la centrale d’achat.
La CEPC rappelle toutefois que le montant de ces avantages est plafonné à 30% de la valeur du barème des prix unitaires, frais de gestions compris, lorsqu’ils concernent les « produits agricoles mentionnés à l’article L. 443-2 [du code de commerce], le lait et les produits laitiers »[3].
Enfin, concernant le double encadrement (en valeur et en volume) des « avantages promotionnels, immédiats ou différés ayant pour effet de réduire le prix de vente au consommateur des produits de grande consommation» introduit par l’ordonnance n°2018-1128 du 12 décembre 2018[4], la CEPC souligne qu’il s’applique indistinctement aux avantages immédiats ou différés, qu’ils soient accordés au consommateur par le fournisseur ou par le distributeur.
- Autrement dit, dans le cas qui lui était soumis, la CEPC considère que ce dispositif a vocation à s’appliquer aussi bien aux avantages accordés par la centrale d’achats (fournisseur) que ceux accordés par le supermarché (distributeur).
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L’équipe droit économique de Nomos se tient à votre disposition pour en savoir plus sur le sujet.
Avec la collaboration de Jovana JOVANOVSKI
Stagiaire au sein du département Droit économique
[1] Ce dispositif expérimental avait d’abord été prorogé par la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et simplification de l’action publique (dite loi ASAP), puis par la loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (dite loi EGAlim III).
[2] Article 125-I de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020
[3] Conformément à l’article L. 441-4, VII, dernier alinéa du code de commerce.
[4] Ce dispositif expérimental a été successivement prorogé par la loi ASAP, par la loi dite Egalim III et dernièrement par la loi n° 2025-337 du 14 avril 2025.