Marque Scootlib : Rejet de l’action de la Ville de Paris et annulation de sa marque

CA Paris, Pôle 5 Ch. 2, 26 mai 2017

Par un arrêt en date du 26 mai 2017, la Cour d’appel de Paris a considéré que le dépôt de la marque Scootlib n’était pas frauduleux et ne constituait pas non plus un acte de concurrence déloyale ou parasitaire à l’encontre de la Ville de Paris. La Ville de Paris, en demande dans cette affaire voit en outre sa marque Scootlib annulée.

Forte du succès des services Vélib et Autolib’, la collectivité territoriale entendait prouver que la société luxembourgeoise Olky International avait commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale en déposant, en fraude de ses droits, la marque Scootlib et en enregistrant les noms de domaines éponymes.

En l’espèce, la Ville de Paris lance, en juillet 2007, un service de mise à disposition de bicyclettes en libre-service sous la marque Vélib’. En octobre 2007, la société luxembourgeoise dépose la marque Scootlib et lance un service de location de scooters via sa société Scootlib France. Quelques années plus tard, la Ville de Paris souhaite proposer un nouveau service de location de véhicules et dépose pour ce faire, en 2011, la marque Autolib’. La même année, elle dépose la marque Scootlib Paris puis évoque, à partir de 2014 un projet de mise à disposition de scooters inspiré de ses deux services existants.

C’est alors que la Ville de Paris assigne en justice les titulaires de la marque Scootlib en dépôt frauduleux de cette marque qui constituerait selon elle une contrefaçon de la marque Vélib’, ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire du fait de la réservation des noms de domaine Scootlib’. Elle estime d’une part que la société luxembourgeoise aurait déposé en 2007 la marque Scootlib en fraude de ses droits, le projet de location de scooters de la Ville de Paris remontant à 2007 et, d’autre part, que cette société luxembourgeoise ne pouvait alors ignorer la notoriété du service Vélib’ et aurait par conséquent souhaité en tirer profit par le dépôt de la marque Scootlib.

Comme les juges de première instance, la Cour d’appel déboute la Ville de Paris de l’ensemble de ses demandes.

Après avoir rappelé que le caractère frauduleux du dépôt d’une marque doit s’apprécier au jour de celui-ci, la Cour considère que la Ville de Paris ne rapporte pas la preuve suffisante de l’antériorité de son projet. Ainsi, pour la Cour, rien ne prouve que la société Olky International aurait pu prendre connaissance du projet de la collectivité territoriale au moment du dépôt de sa marque.

La Cour confirme par ailleurs l’irrecevabilité des demandes relatives aux actes de contrefaçon et aux actes de concurrence déloyale et parasitaire, que les juges avaient considérées comme étant forcloses. Elle souligne à ce titre que la Ville de Paris ne pouvait ignorer le dépôt de la marque litigieuse et en a toléré l’usage pendant plus de cinq ans, délai au-delà duquel il n’est plus possible d’introduire une action en justice.

Par ailleurs, la Cour d’appel de Paris rejette la demande en concurrence déloyale et parasitaire introduite par la Ville de Paris au titre de l’exploitation des noms de domaine scootlib, considérant que les similitudes visuelles et conceptuelles entre les deux marques n’étaient pas susceptibles de créer un risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne.

En revanche, elle décide d’accueillir la demande reconventionnelle de la société luxembourgeoise en nullité de la marque Scootlib Paris au motif qu’elle serait susceptible de créer un risque de confusion avec la marque Scootlib antérieure.

Cet arrêt est une illustration des dangers que peut induire l’action en dépôt frauduleux d’une marque lorsqu’elle échoue. Elle enseigne également que la renommée d’une marque telle que Velib’ ne peut conférer à son titulaire un monopole sans limite sur des termes proches ; un dépôt en amont des déclinaisons possibles de la marque en vue de leur exploitation future aurait été opportun en l’espèce.

Camille LOMON

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