Mannequins et rémunération de leur image : annulation d’un redressement URSSAF

CA Paris, 9 février 2017

Dans cette affaire, une agence de mannequins a fait l’objet d’un contrôle par les inspecteurs de l’URSSAF, au terme duquel l’URSSAF a considéré que la rémunération versée par l’agence aux mannequins qu’elle emploie, au titre de l’exploitation de leur image, devrait être assujettie aux charges sociales.

L’URSSAF justifiait cette réintégration dans l’assiette des cotisations au motif que, d’une part, les rémunérations au titre de la cession du droit à l’image avaient été versées dès la première diffusion de la prestation du mannequin et, d’autre part, que leur montant ne tenait pas compte de l’exploitation future ni de l’importance de l’utilisation de l’image dès lors qu’il s’agissait de rémunérations forfaitaires.

Or, pour que la rémunération versée aux mannequins au titre de la cession de leur droit à l’image ne soit pas assujettie aux charges sociales, l’URSSAF considère que ces rémunérations doivent dépendre d’un « aléa économique », ce qui imposerait (toujours selon l’URSSAF) une perception différée et ce qui exclurait aussi que la rémunération prenne la forme d’un forfait.

La cour d’appel de Paris a rejeté cette interprétation et a considéré qu’il n’y avait pas lieu, en l’espèce, de soumettre à cotisations les sommes en question (même si, « aux yeux de l’URSSAF », cette part de la rémunération était disproportionnée par rapport à la partie salaire qui avait été payée aux mannequins au titre de la prestation de travail).

La Cour a tout d’abord rappelé qu’en vertu de l’article L.7123-6 du code du travail (qui fixe les conditions du non assujettissement à cotisations sociales des rémunérations versées aux mannequins au titre de l’utilisation de leur image), il est effectivement indispensable qu’un lien clair existe entre la rémunération versée, l’exploitation de l’image et les « résultats économiques » tirés d’une telle exploitation. Ainsi, la notion d’« aléa économique » défendue par l’URSSAF n’est pas reprise dans la motivation de la Cour qui lui préfère celle de « résultats économiques ».

Ensuite, la Cour observe que ces conditions ne sont pas incompatibles avec le versement d’une rémunération forfaitaire aux mannequins en contrepartie de leur droit à l’image, à partir du moment où les critères de calcul du forfait sont précis, tiennent compte de l’exploitation réelle et des résultats de cette exploitation.

Partant de ces principes, la Cour estime que la rémunération au titre de la cession du droit à l’image ne peut donc pas être fixée lors de la réalisation de la prestation de travail (tournage, séance photo, etc.), puisque les résultats de l’exploitation de l’image ne sont alors pas connus.

Elle précise en revanche que, en matière de publicité, le produit de l’exploitation peut tout à fait être déterminé avant la fin de la période d’exploitation car les contrats permettant une telle diffusion (l’on comprend que la Cour se réfère ici aux achats d’espaces) sont conclus en amont de cette exploitation.

En l’espèce, les contrats des mannequins stipulaient que les sommes forfaitaires dues au titre du droit à l’image n’étaient dues qu’en cas de diffusion effective, et à la condition que le mannequin soit reconnaissable, ce qui constitue selon la Cour un premier indice du lien exigé entre l’exploitation et la rémunération.

En outre, la Cour relève que le barème contractuel des rémunérations forfaitaires payables aux mannequins dépendait de critères qui étaient, d’une part, le support utilisé pour l’exploitation, et, d’autre part, la durée de l’autorisation de droit à l’image. Le fait que ces forfaits soient fixés « à l’avance » et payables dès la première diffusion ne supprime pas le lien exigé avec l’exploitation car la Cour relève que « la loi n’exige pas qu’il existe un lien parfaitement proportionné entre le nombre d’utilisations de l’image et les rémunérations versées au mannequin ».

Les contrats prévoyaient aussi que si la durée de l’exploitation était plus longue, les parties renégocieraient leur contrat, confirmant ainsi l’existence d’un lien entre l’utilisation de l’image et le calcul de la rémunération.

Ces différents éléments étaient, selon la cour d’appel, suffisants pour caractériser le lien nécessaire entre l’exploitation et la rémunération au titre de la cession du droit à l’image, excluant dès lors l’assujettissement des sommes forfaitaires à cotisations.

Sous réserve d’un éventuel pourvoi en cassation de l’URSSAF, cette décision contribue à clarifier le régime des rémunérations des mannequins au titre de la cession des droits à l’image et à lever une partie des incertitudes actuelles.

Camille BURKHART

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