L’offre de dédommagement ne correspond pas à une reconnaissance de droit

CA Versailles, 1ère Ch., 1ère section, 9 février 2021

La veuve d’un photographe reprochait la reproduction, sans autorisation, d’un portrait du violoniste Yehudi Menuhin réalisé en 1960 ayant illustré la pochette d’un album vinyle 33 tours commercialisé en 1960, dans un nouveau coffret anniversaire dédié à l’artiste édité à l’occasion du centenaire de sa naissance en 2016.

En première instance, la demanderesse avait été déboutée de l’intégralité de ses demandes sur le fondement de la contrefaçon du cliché photographique, pour défaut d’originalité du cliché photographique. L’héritière interjette appel.

Devant la Cour, en défense, le producteur maintenait son argumentation et contestait l’originalité de la photographie. L’héritière du photographe invoquait la théorie de l’estoppel en raison d’une reconnaissance antérieure par le producteur de la violation de ses droits, ce dernier lui ayant adressé des courriers comportant une offre de dédommagement.

La cour juge que le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui ne saurait en l’espèce être appliqué alors que les actes de procédure des intimées ne contiennent aucune contradiction et que les échanges de courriers préalables ne reconnaissent pas expressément le caractère protégeable de la photographie mais se limitent à admettre que la photographie litigieuse est le fruit du travail du photographe et que le crédit qui a été porté au producteur sous la photographie dont ils ne contestent pas l’utilisation dans l’album De luxe consacré à Yehudi Menuhin, est erroné. Par conséquent, la cour retient que si les courriels adressés à l’héritière du phonographe s’analysent en une reconnaissance de l’utilisation d’une photographie et d’une erreur sur le crédit porté, l’offre de dédommagement ne saurait correspondre à la reconnaissance d’un droit d’auteur mais à une simple proposition de transaction.

Par conséquent, la cour examine l’originalité de la photographie contestée par le producteur. Les juges relèvent qu’il résulte de l’ensemble des éléments produits la preuve que le photographe a effectué au travers de la sobriété de la mise en scène, de la pose suggérée au sujet, de l’absence de représentation de l’instrument dans son intégralité, limitant celle-ci à la partie sur laquelle repose la main de l’artiste, de la composition de l’image traversée par une ligne diagonale, de son travail sur le cadrage et l’éclairage, des choix personnels et libres caractérisant une création artistique.

La veuve du photographe sollicitait pas moins de 40.000 euros en réparation du préjudice moral de paternité et de l’atteinte portée au respect de l’œuvre de son époux et 20.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial.

La Cour relevant d’une part que l’utilisation faite de la photographie litigieuse, dans le cadre de la célébration du centenaire de Yehudi Menuhin n’a pas été détournée de sa finalité initiale et que la diffusion de l’album était par ailleurs limitée, condamne le producteur à une somme 5 000 euros à titre de dommages et intérêts dont 3.000 euros au titre du préjudice patrimonial et 2.000 euros au titre du préjudice moral.