Licenciement pour motif économique : modalités des recherches de reclassement au sein du groupe et ordre de licenciements

Cass. Soc. 28 octobre 2015, 14-17712

Les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe auquel appartient l’employeur qui envisage un licenciement économique collectif, n’ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés.

L’affaire concernait la société Le Chameau, qui a engagé en 2010 une procédure de licenciement collectif pour motif économique à l’occasion de la fermeture de son usine à Châteauvillain. Plusieurs salariés ont contesté ce licenciement faisant valoir que la société n’avait pas respecté son obligation de reclassement ni les critères d’ordre des licenciements.

Recherches sérieuses de reclassement au sein du groupe

Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque son reclassement ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe, le reclassement devant s’effectuer sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure (art. L1233-4 du Code du travail).

Par ailleurs, lorsque l’entreprise doit établir un plan de sauvegarde de l’emploi, ce plan doit intégrer un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité (article L1233-61 du Code du travail).

Les salariés faisaient valoir que l’exécution loyale et sérieuse de l’obligation de reclassement suppose que l’employeur interroge en temps utile l’ensemble des sociétés du groupe sur l’existence de postes vacants ou susceptibles d’être créés, en leur précisant les caractéristiques précises des postes occupés par les salariés dont le licenciement est envisagé, ainsi que leur ancienneté, leur qualification et leurs compétences. Selon les salariés, la société Le Chameau s’était bornée à procéder par voie de lettre circulaire pour identifier les postes disponibles au sein du groupe.

La Cour d’Appel, dont le raisonnement est validé par la Cour de cassation, avait jugé que la société n’avait pas manqué à son obligation de reclassement interne, aucun texte n’exigeant que la recherche de postes disponibles dans les sociétés du groupe soit assortie de la communication du profil personnalisé de chaque salarié concerné.

La Cour de cassation rejette le pourvoi des salariés et valide ce raisonnement, « les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe auquel appartient l’employeur qui envisage un licenciement économique collectif, n’ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés pour l’établissement du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi, ce dernier devant seulement préciser le nombre, la nature, la localisation, le statut et la rémunération des emplois disponibles au sein du groupe ».

Si la Cour de cassation se réfère aux recherches de reclassement pour « l’établissement du plan de reclassement » qui doit être annexé au PSE, le raisonnement devrait valoir de manière générale pour les recherches de reclassement en tant que telles.

Procédure de reclassement prévue par la convention collective

Un autre point de l’arrêt rappelle que des conventions collectives peuvent imposer à l’employeur qui engage une procédure de licenciement pour motif économique, de saisir une commission régionale ou nationale de l’emploi. A noter que l’employeur qui ne respecte pas les dispositions de la convention collective sur les obligations « externes » de recherche de reclassement le licenciement est automatiquement sans cause réelle et sérieuse.

Dans cette affaire, la convention collective nationale du caoutchouc applicable à l’entreprise prévoyait que lorsque l’entreprise ne peut fournir un poste de reclassement sur un poste équivalent au salarié concerné par une procédure de licenciement économique collectif, elle doit s’adresser à son organisation professionnelle, qui s’efforcera à son tour de reclasser, dans le cadre local ou régional, le salarié licencié.

Interprétant ces dispositions, la Cour d’Appel avait jugé que la procédure conventionnelle ne devait être mise en œuvre qu’au cas où l’entreprise ne pourrait fournir un poste de reclassement interne. Ainsi, dans le cas présent, ces obligations ne s’imposaient pas en cas de refus par les salariés de plusieurs postes de reclassement à l’intérieur de l’entreprise, équivalents au poste précédent et en rapport avec leurs aptitudes.

La Cour de cassation a validé le raisonnement de la Cour d’appel et rejeté le pourvoi des salariés.

Ordre des licenciements

Pour justifier leur demande de dommages-intérêts, les salariés licenciés faisaient valoir le non-respect des critères d’ordre des licenciements, considérant que sauf accord collectif, les critères déterminant l’ordre des licenciements doivent être mis en œuvre à l’égard de l’ensemble du personnel de l’entreprise. Or, dans le cas présent, ils n’avaient été appliqués qu’au niveau du seul établissement de Chateauvillain concerné par les suppressions d’emploi.

A l’occasion de la fermeture de l’établissement de Châteauvillain, la société avait proposé aux salariés de cet établissement la modification de leur contrat de travail consistant en un changement de leur lieu de travail (mutation sur l’autre site de production de la société à Cahan).

La Cour d’appel, dont le raisonnement a été validé par la Cour de cassation, a débouté les salariés, constatant que le nombre de salariés ayant accepté la modification de leur contrat de travail était inférieur à celui des postes disponibles sur le site de Cahan. Les licenciements devaient donc concerner uniquement les salariés qui avaient refusé la modification de leur lieu de travail, de sorte que l’employeur n’avait pas de choix à opérer parmi ces derniers. Il n’y avait donc pas lieu d’appliquer un ordre des licenciements.

Cet arrêt a été rendu quelques jours après que la société Le Chameau ait annoncé la fermeture de son site de Cahan, dernier site de production en France, et le licenciement des 55 employés affectés.

Muriel de LAMBERTERIE

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