Licenciement après la période de protection du salarié protégé pour des motifs sur lesquels l’administration s’est déjà prononcée alors qu’elle n’était plus compétente

Cass. Soc. 6 janvier 2016, 14-12717

Un employeur peut rompre le contrat d’un salarié anciennement protégé pour des faits ayant préalablement donné lieu à un refus d’autorisation de l’autorité administrative dès lors que cette décision de refus a été rendue alors que le salarié n’était plus protégé.

Chaque procédure de licenciement concernant un salarié protégé est l’occasion de se confronter aux complexes dispositions légales en la matière et à leur subtile interprétation jurisprudentielle. Un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 6 janvier dernier en est une nouvelle illustration (Cass. Soc. 6 janvier 2016, 14-12717).

Dans cette affaire, un salarié était représentant du personnel au CHSCT ; il était donc un salarié protégé durant son mandat et les six mois suivants (art. L2411-13 c. trav.). En l’occurrence, son mandat ayant expiré le 13 février 2009, il était protégé jusqu’au 13 août 2009. C’est la raison pour laquelle, après l’avoir mis à pied et convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement le 1er juillet 2009, son employeur avait sollicité l’autorisation de le licencier auprès de l’inspection du travail. Mais, par décision du 10 septembre 2009, cette dernière refusa d’autoriser le licenciement.

A la suite de ce refus, l’employeur, constatant que le salarié n’était plus protégé, diligenta à nouveau une procédure de licenciement pour les mêmes faits à son encontre et le licencia pour faute grave le 24 septembre 2009.

Dès lors que l’inspection du travail avait refusé d’autoriser le licenciement pour ces mêmes faits, se posait la question de l’application du principe selon lequel : « le licenciement prononcé à l’expiration de la période légale de protection ne peut être motivé par des faits invoqués devant l’autorité administrative et qui ont donné lieu à une décision de refus d’autorisation du licenciement » (Cass. Soc. 23 septembre 2015, 14-10648 ; cf. notre commentaire dans la NomoSocial d’octobre 2015).

Une application à la lettre dudit principe aurait eu pour conséquence de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 23 septembre 2015, 14-10648 ; Cass. Soc. 15 janvier 2013, 11-18800 ; Cass. Soc. 27 octobre 1998, 96-40880 ; Cass. Soc. 19 décembre 1990, 88-43526).

Toutefois, au cas d’espèce, la chronologie des évènements est essentielle. Lorsque l’inspection du travail rendit sa décision, le 10 septembre 2009, le salarié n’était plus protégé (sa protection ayant eu pour terme le 13 août 2009). Or, l’inspection du travail n’est plus compétente pour statuer sur une demande d’autorisation de licenciement si le salarié n’est plus protégé lorsqu’elle rend sa décision. Dans ce cas, elle doit se dire incompétente (Cass. Soc. 28 novembre 2007, 06-40489 ; CE, 28 février 1997, 153547 ; CE, 13 mai 1992, 110184).

Ainsi, en date du 10 septembre 2009, l’inspection du travail ne pouvait plus se prononcer sur le licenciement du salarié concerné et devait constater son incompétence. La décision de refus d’autorisation du licenciement rendue à cette date était donc illégale. Subséquemment, les motifs invoqués dans le cadre de la deuxième procédure de licenciement ne pouvaient pas être considérés comme ayant déjà fait l’objet d’un refus de l’autorité administrative et le licenciement prononcé le 24 septembre 2009 n’était pas sans cause réelle et sérieuse de ce fait.

C’est pourquoi la Cour de cassation a rejeté l’argumentaire du salarié selon lequel (Cass. Soc. 6 janvier 2016, 14-12717) : « si à l’expiration de la période de protection, l’employeur peut licencier un ancien salarié protégé sans avoir à demander l’autorisation de l’inspecteur du travail, c’est à condition que le licenciement ne soit pas prononcé pour des faits antérieurs ayant déjà fait l’objet d’un refus d’autorisation de l’inspecteur du travail et que cette condition n’étant pas respectée en l’espèce, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse » en jugeant que (Cass. Soc. 6 janvier 2016, 14-12717) :

« la période de protection légale avait pris fin le 13 août 2009, avant que l’inspecteur du travail ne rende sa décision, de sorte que l’employeur avait retrouvé le droit de licencier le salarié sans autorisation de l’autorité administrative, qui n’était plus compétente pour autoriser ou refuser cette mesure »

En l’occurrence, l’employeur a donc su parfaitement s’adapter à la complexité de la procédure de licenciement des salariés protégés en analysant les conséquences juridiques de la chronologie des événements.

Romain PIETRI

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