Le nouveau statut juridique du « lanceur d’alerte » issu de la Loi Sapin II n°2016-1690 du 9 décembre 2016

Loi Sapin II n°2016-1690 du 9 décembre 2016

Jusqu’à une date récente, il n’existait ni définition, ni statut précis du lanceur d’alerte.

Cette notion avait été introduite pour la première fois dans notre droit par une loi du 13 novembre 2007 sur la prévention de la corruption. Cette loi avait créé un article L 1161-1 dans le Code du travail qui visait à protéger les salariés ayant dénoncé, de bonne foi, des faits de corruption à leur employeur ou aux autorités administratives et judiciaires.

Une loi du 16 avril 2013 avait étendu cette protection à des faits relatifs à « un risque grave en matière de santé publique ou d’environnement » (article 1351-1 du Code de la santé publique).

Toutefois, hormis ces deux mécanismes légaux, il n’existait pas définition juridique du « lanceur d’alerte » ni une protection spécifique.

La loi Sapin II du 9 décembre 2016 sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique pose les premiers jalons d’un statut juridique du lanceur d’alerte :

1. un statut réservé aux personnes physiques :

Le lanceur d’alerte est nécessairement une personne physique. Les personnes morales, groupements et autres sont exclus du dispositif légal.

2. Des conditions strictes :

• Agir de manière désintéressée : l’intention du législateur à travers cette condition est d’exclure de ce cadre, ceux qui ont pour activité régulière de dénoncer des comportements répréhensibles tels les journalistes, inspecteurs du travail.

• Agir de bonne foi : le lanceur d’alerte doit avoir des motifs suffisants pour croire à l’exactitude des faits dénoncés. Sur ce point, le niveau de responsabilité occupé par le salarie « lanceur d’alerte » sera un critère déterminant.

• Avoir eu personnellement connaissance des faits dénoncés.

3. Une protection contre les procédures disciplinaires ou une mesure de licenciement :

Dès lors que les conditions rappelées sont remplies, le lanceur d’alerte bénéficie d’une protection générale :

– il ne peut être écarté d’une procédure de recrutement, de l’accès à un stage ou d’une formation professionnelle,

– il ne peut faire l’objet d’une mesure de licenciement ou d’une sanction disciplinaire au seul motif qu’il a dénoncé des faits dont il avait raison de croire qu’ils étaient répréhensibles.

Toute rupture du contrat de travail en violation de cette protection est réputée nulle.

Sous l’empire de la loi du 13 novembre 2007, la jurisprudence a déjà été amenée à prononcer la nullité et la réintégration d’un lanceur d’alerte (ex : arrêt de la Cour d’appel de Paris du 16 décembre 2016 Pôle 6 – chambre 11 n°14/01231, Stéphane B. / Natexis)

4. Une protection contre la violation d’un secret protégé par la loi :

La loi crée une immunité pour le lanceur d’alerte qui ne peut être poursuivi pour violation d’un secret protégé par loi dès que l’atteinte est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause (article 122-9 du Code pénal).

Cette immunité ne concerne toutefois pas les atteintes à la défense nationale, le secret de l’Avocat et le secret médical (article 6 de la loi)

5. La création d’une infraction pénale :

La loi crée une nouvelle infraction : le délit d’obstacle de quelque façon que ce soit à la transmission d’un signalement par un lanceur d’alerte (article 13 de la loi).

L’infraction est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amendes.

6. La mise en place d’une procédure d’alerte dans les entreprises de plus de 50 salariés :

Enfin, la loi impose aux entreprises de plus de 50 salariés de se doter d’une procédure d’alerte.

Cette procédure interne doit respecter la confidentialité du lanceur d’alerte et prévoir un parcours de signalement sécurisé.

Le texte renvoie la mise en œuvre de cette obligation nouvelle à des décrets qui seront pris au cours de l’année 2017.

Khalil MIHOUBI

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