Le groupe en cas de licenciement pour motif économique et pour inaptitude : géométrie variable

Articles 7, 5 et 16 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations du travail

La notion de groupe, cruciale pour les licenciements pour motif économique, mais également importante pour les licenciements pour inaptitude, est désormais définie dans l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations du travail.

Le groupe dans le périmètre duquel doivent s’apprécier les motifs économiques du licenciement, et dans lequel doivent se faire les recherches de reclassement est désormais défini. Il est à géométrie variable.

Pour ce qui concerne les motifs économiques, l’ordonnance pose que le groupe est celui qui est défini par les dispositions sur le comité de groupe, mais seulement par le I de l’article L2331-1. Il s’agit donc seulement de la société dite dominante et de ses filiales à plus de 50% (ou celles qu’elle contrôle par les droits de vote, notamment lorsqu’elle détient plus de 40% des droits de vote et qu’aucun autre actionnaire n’en détient plus). Les autres filiales ne sont pas concernées. Il s’agit donc a priori des groupes dont la société dominante est située sur le territoire français. Mais l’ordonnance pose également (c’est un ajout par rapport au projet diffusé le 30 août) que si le groupe n’a pas d’entreprise dominante en France, le groupe est défini comme celui constitué par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français. Le groupe dont le siège de l’entreprise dominante est situé à l’étranger n’étant pas défini, l’application de cet article donnera lieu à de potentielles discussions. On pense par exemple aux sociétés implantées en France dont une société étrangère ne détient pas la majorité du capital.

L’ordonnance consacre donc dans une certaine mesure, mais pas totalement, la solution qui avait été donnée par les arrêts récents de la Cour de cassation. Même si elle appréhende les filiales de groupes étrangers, elle apparait bien plus restrictive.

La haute juridiction avait en effet posé que le périmètre du groupe à prendre en considération est l’ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante dans les conditions définies à l’article L. 2331-1 du code du travail (Cass. Soc. 16 novembre 2016, n°14-30063). La Cour de cassation avait donc intégré, dans sa définition du groupe, les participations à moins de 50% (et les sociétés non contrôlées par les droits de vote) lorsque la société dominante exerce une influence dominante et lorsque la permanence et l’importance des relations de ces entreprises établissent l’appartenance de l’une et de l’autre à un même ensemble économique. C’est l’objet du II de l’article L2331-1 du Code du travail. Ceci n’a pas été repris par l’ordonnance qui se limite au I (entreprises détenues à plus de 50% ou contrôlées par les droits de vote comme vu ci-dessus).

De plus dans le même arrêt du 16 novembre 2016 la Cour de cassation avait précisé que le groupe ne devait pas être réduit aux entreprises situées sur le territoire national. Cette précision ne figure pas dans l’ordonnance. Au contraire, le nouveau texte précise que les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau des entreprises établies sur le territoire national. On doit donc considérer aujourd’hui que le motif économique devra être apprécié uniquement en fonction de la situation des sociétés localisées en France et non de celles localisées à l’étranger.

Le groupe ainsi défini n’est pas nécessairement le cadre dans lequel le motif économique doit être apprécié. En effet, outre les liens capitalistiques désormais clairement requis par la référence aux textes régissant le comité de groupe, l’ordonnance ajoute que les motifs économiques (difficultés économiques, mutations technologiques ou mesures nécessaires à la sauvegarde de la compétitivité) doivent s’apprécier, à l’intérieur du groupe, au niveau du secteur d’activité commun à toutes les entreprises du groupe. L’ordonnance reprend la solution donnée par la jurisprudence. Elle définit le secteur d’activité, ce que n’avait pas vraiment fait la jurisprudence jusqu’ici. Il est caractérisé, notamment, par la nature des produits, bien ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution se rapportant à un même marché. L’adverbe notamment laissera la place à de possibles précisions ou ajouts.

S’agissant des recherches de reclassement, les obligations de l’employeur en matière de reclassement dans le groupe ont fortement évolué au cours des dernières années.

Depuis l’époque où des offres de reclassement ont été faites dans des pays « à bas coût » à des salaires très inférieurs aux salaires français, ce qui a déclenché nombre de critiques voire scandales, les obligations de l’employeur dans sa recherche de reclassement n’ont cessé de s’alléger. L’ordonnance poursuit ce mouvement.

Depuis la loi du 18 mai 2010 les offres de reclassement à l’étranger, en cas de licenciement pour motif économique, étaient subordonnées à l’envoi préalable d’un questionnaire dans lequel l’employeur énumérait les pays dans lesquels le groupe était implanté, invitant le salarié à désigner les lieux et conditions dans lequel il souhaitait que l’employeur fasse sa recherche de reclassement. Puis par la loi du 6 aout 2015, le périmètre de la recherche de reclassement par l’employeur avait été réduit aux emplois situés sur le territoire national. Parallèlement le questionnaire avait été supprimé, dispensant l’employeur de faire la liste des implantations à l’étranger, la recherche de reclassement à l’étranger étant laissée à l’initiative du salarié qui devait indiquer si une recherche à l’étranger l’intéressait.

L’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations du travail intervient dans ce contexte.

Elle consacre la jurisprudence pour dire que le groupe de reclassement est limité aux entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Elle reprend la même définition du groupe que pour l’appréciation du motif économique, en procédant au même renvoi au comité de groupe, avec les entreprises détenues à plus de 50% (ou contrôlées via les droits de vote), y compris quand la société dominante est à l’étranger.

Par contre on observera que le groupe n’est pas limité au secteur d’activité. En clair, un groupe avec plusieurs secteurs d’activité sera apprécié restrictivement pour l’appréciation du motif économique, mais dans sa totalité pour les recherches de reclassement.

Enfin l’ordonnance supprime purement et simplement la possibilité pour les salariés de demander à leur employeur de recevoir des offres de reclassement à l’étranger. L’ordonnance a oublié que des salariés occupés en France peuvent être attirés par la mobilité internationale.

En matière d’inaptitude le groupe est également à géométrie variable.

Lorsque l’inaptitude est d’origine professionnelle (accidents du travail, maladie professionnelle), la notion de groupe est la même que pour le groupe de reclassement en cas de licenciement pour motif économique : le groupe est défini comme pour le comité de groupe, y compris lorsque la société dominante est établie à l’étranger, et seulement pour la partie des entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Il n’est pas question non plus de limiter la recherche de reclassement au groupe limité au secteur d’activité.

Par contre lorsque l’inaptitude est d’origine non professionnelle, le groupe de reclassement est défini de la même manière, mais limité aux cas où l’entreprise dominante est située en France. Les salariés inaptes pour une raison non-professionnelle n’ont pas eu droit au même ajout pour bénéficier d’un groupe de reclassement étendu aux filiales de groupes étrangers.

Anne CIRET

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