Le gouvernement français a transposé la directive droit d’auteur n°2019/790

Ordonnance n°2021-580 du 12 mai 2021 portant transposition du 6 de l’article 2 et des articles 17 à 23 de la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE

Par ordonnance du 12 mai 2021, le gouvernement a transposé certains articles de la directive (UE) 2019/790 dite « directive droit d’auteur » du 17 avril 2019 sur les points suivants :

  • Fournisseur de services de partage de contenus en ligne (art. L 137-1, L 137-2, L 137-3, L 137-4, L 219-2, L 219-3 et L 219-4 CPI) : L’ordonnance désigne ces fournisseurs de services comme la personne qui fournit un service de communication au public en ligne ayant pour objectif de stocker et donner au public accès à des œuvres et d’autres objets protégés téléversés par leurs utilisateurs, que les fournisseurs de service organisent et promeuvent en vue de tirer un profit, direct ou indirect.

Ces fournisseurs ont désormais l’obligation de principe d’obtenir une autorisation des titulaires de droit d’auteur et de droits voisins compte tenu des actes de représentation et d’exploitation effectués par la mise en ligne d’objets protégés sur leurs services. L’ordonnance prévoit des cas dans lesquels le fournisseur de services ne pourra pas être considéré comme responsable des actes d’exploitation pour les œuvres ou objets protégés par un droit voisin dont il n’a pas pu obtenir d’autorisation. Cela vise notamment le cas où le fournisseur a fourni ses meilleurs efforts pour obtenir l’autorisation du titulaire de droits ou pour rendre indisponible l’objet protégé qui avait fait l’objet d’une notification par un titulaire de droits. Des critères tels que l’audience du service ou le coût de ces actions sont pris en compte pour déterminer le respect des obligations par le fournisseur. De plus, les fournisseurs de services de partage ont des obligations d’information des titulaires de droit sur les mesures prises pour assurer le respect de leurs droits.

L’ordonnance prévoit des dispositions moins contraignantes pour les services ayant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 10 millions d’euros pour le cas où le service n’aurait pas obtenu l’autorisation des titulaires de droit pour les objets protégés accessibles sur son service. Ces dispositions spécifiques sont applicables par dérogation pendant les trois premières années de la mise à disposition du service au public au sein de l’Union Européenne.

L’ordonnance précise que les utilisateurs du service peuvent tout de même bénéficier des exceptions des droits concernés, telles que l’exception de courte citation. Ces dispositions sont applicables à compter du 7 juin 2021 aux œuvres protégées à la date de publication de l’ordonnance y compris celles téléchargées antérieurement.

  • Rémunération proportionnelle des artistes-interprètes (L 212-3 CPI) : Le Code prévoit désormais le principe d’une rémunération des artistes interprètes appropriée et proportionnelle à la valeur économique réelle ou potentielle des droits cédés, compte-tenu de leur contribution à l’œuvre et des circonstances, telles que les pratiques de marché ou l’exploitation réelle de la prestation. A la différence des auteurs (art. L 122-7 CPI), l’ordonnance ne prévoit pas la possibilité pour les artistes-interprètes de céder leurs droits à titre gratuit ou onéreux alors que la directive droit d’auteur (art. 18) dispose que les auteurs et les artistes-interprètes ont le droit de percevoir une rémunération « appropriée et proportionnelle ». En revanche, comme en droit d’auteur, le Code de la propriété intellectuelle prévoit des exceptions au principe de la rémunération proportionnelle permettant de recourir au forfait. L’article prévoit que des conventions et accords collectifs pourront déterminer, en tenant compte des spécificités de chaque secteur, les conditions de mise en œuvre de l’article L 212-3 CPI.

  • Réajustement de la rémunération (L 131-5 et L 212-3-2 CPI) : Un mécanisme de réajustement de la rémunération due à l’auteur ou à l’artiste-interprète est mis en place lorsque leur rémunération est exagérément faible par rapport à l’ensemble des revenus tirés de l’exploitation par le cessionnaire. L’ordonnance précise qu’il pourra être tenu compte de la contribution de l’auteur ou de l’artiste-interprète.

  • Transparence (L 131-5-1, L 132-18, L 212-3-1 CPI) : Une obligation de transparence est créée par une obligation de reddition des comptes, au moins une fois par an, à la charge de tout bénéficiaire d’un contrat d’exploitation par lequel un auteur ou un artiste-interprète a cédé tout ou partie de ses droits. Des informations complémentaires peuvent être demandées par les auteurs et artistes-interprètes aux sous-cessionnaires s’ils estiment qu’ils n’ont pas suffisamment d’informations du cessionnaire. Un accord professionnel pourra être conclu pour définir les conditions de l’obligation de transparence. Il est également prévu que le contrat général de représentation conclu avec un service de médias audiovisuels à la demande prévoit la transmission d’informations telles que le nombre de téléchargement de visualisation des œuvres. Ces dispositions seront applicables à compter du 7 juin 2022 ainsi qu’aux contrats en cours à cette date.

  • Résiliation en absence d’exploitation (L 131-5-2 et L 212-3-3 CPI) : Les auteurs et artistes-interprètes ont désormais la possibilité de résilier de plein droit la transmission de leurs droits en cas d’absence totale d’exploitation de leur œuvre ou interprétation. Il est précisé qu’en cas de pluralité d’auteurs ou d’artistes-interprètes, ils devront exercer leur droit de résiliation d’un commun accord. Les auteurs de logiciel sont exclus de cette disposition ainsi que les auteurs et artistes-interprètes ayant contribué à une œuvre audiovisuelle ; étant précisé que le Code de la propriété intellectuelle prévoit déjà une obligation d’exploitation suivie du producteur.

  • Les compositions musicales (L 132-24 CPI) : Lorsqu’un contrat de cession d’une œuvre musicale à un producteur est soumis à une loi étrangère, le contrat ne peut avoir pour effet de priver l’auteur, pour l’exploitation de son œuvre sur le territoire français, des dispositions protectrices du Code de la propriété intellectuelle. L’ordonnance se réfère expressément aux dispositions relatives au principe du paiement d’une rémunération proportionnelle (L 131-4 CPI), au recours en lésion et réajustement offert à l’auteur (L 131-5 CPI) ainsi qu’à son droit d’obtenir un état des recettes issues de l’exploitation de l’œuvre audiovisuelle (L 132-28 CPI).

  • Rémunération minimale du streaming (L 212-14 CPI) : Enfin, l’ordonnance prévoit que la mise en œuvre de la garantie de rémunération minimale au profit des artistes-interprètes pour les diffusions en streaming sera établie par accord entre les organisations professionnelles représentatives des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et les sociétés de gestion collective représentant les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes. Cette disposition est une exception aux règles de négociation collective applicables en raison de la présomption de salariat des artistes-interprètes.