Le blocage de l’accès à YouTube constitue une violation de la liberté d’expression

CEDH, 1e décembre 2015, Cengiz c/ Turquie

Selon l’arrêt remarqué Cengiz c/ Turquie du 1er décembre 2015, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamne la Turquie pour avoir bloqué l’accès au site YouTube entre 2008 et 2010. Dès lors, l’accès au site YouTube est reconnu comme un élément de la liberté d’expression.

La Cour avait été saisie par trois ressortissants turcs qui contestaient une décision rendue par le tribunal d’instance d’Ankara le 5 mai 2008. Les juges se fondaient sur une loi du 4 mai 2007 relative à la régulation des publications sur Internet et à la lutte contre les infractions commises sur Internet permettant d’interdire l’accès à des contenus en ligne considérés comme illicites au regard de la loi turque. Le tribunal avait ordonné le blocage de l’accès à YouTube en raison de 10 vidéos diffamatoires à l’égard de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne.

Les trois requérants avaient fait opposition à cette décision de blocage. Par la suite, le parquet turc avait levé le blocage de YouTube en 2010 et les vidéos censurées ont finalement été remises en ligne. Puis, dans une décision du 29 mai 2014, la Cour constitutionnelle turque annula la décision de blocage (conformément à la jurisprudence rendue par la CEDH en 2012 sur le blocage de Google Sites).

Les requérants ont ainsi saisi la CEDH car ils estimaient être des victimes directes des mesures de blocage décidées par la justice turque arguant qu’une telle censure du site YouTube constituait une atteinte grave à la substance même de leur droit à la liberté de recevoir des informations et des idées et qu’il existait un intérêt public à accéder à YouTube.

1) Tout d’abord, la Cour répond à la question de savoir si un requérant peut se prétendre victime d’une mesure de blocage d’accès à un site Internet.
En démontrant par leurs requêtes dans quelle mesure ils constituent des usagers actifs de YouTube à travers les répercussions d’un blocage sur leur travail académique, la CEDH déclare qu’ils peuvent légitimement prétendre avoir été affectés par la mesure de blocage, bien qu’ils ne fussent pas directement visés par elle. Dès lors, la qualité de victimes directes de l’interdiction d’accès à YouTube leur est reconnue.

2) Ensuite, la Cour se prononce sur la violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme par la décision de bloquer l’accès à YouTube.
Selon les plaignants, YouTube est l’un des principaux moyens d’exercer leur droit à la liberté de recevoir ou de communiquer de telles informations. La Cour adhère à leur thèse en reconnaissant que le site de partage de vidéos en ligne est une plateforme unique qui est un moyen important d’exercer la liberté de recevoir ou de communiquer des informations et des idées, contribuant à l’émergence d’un journalisme citoyen permettant de divulguer des informations politiques ignorées par les médias traditionnels.

Ainsi, la CEDH affirme l’influence d’Internet concernant la diffusion de l’information dont YouTube constitue un élément primordial pour les citoyens afin d’exercer l’expression de leurs idées et informations à travers le partage de vidéos en ligne.

Alice GAUTRON

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