Le bénéfice du statut protecteur s’apprécie à la date d’envoi de la convocation à entretien préalable.

Cass. Soc. 11 octobre 2017, 16-11048
Cass. Soc. 11 octobre 2017, 16-10139

Après avoir longtemps navigué entre deux eaux s’agissant du point de départ du statut protecteur, il semblerait que la Cour de cassation ainsi que le Conseil d’Etat se soient définitivement accordés sur une date, à savoir celle de la convocation à l’entretien préalable.

Le salarié protégé est un salarié qui exerce un mandat électif ou nominatif de représentant syndical ou de représentant du personnel, à l’intérieur mais aussi à l’extérieur des entreprises.

Ces salariés bénéficient d’une protection spéciale, exorbitante du droit commun, octroyée par le Code du travail (cf. notamment articles L2411-1 & L2412-1 du Code du travail).

Ainsi, les représentants du personnel détenteurs d’un mandat, ne peuvent faire l’objet d’un licenciement, individuel ou collectif, y compris lors d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, sans l’autorisation de l’inspecteur du travail, pendant toute la durée de leur mandat et au-delà.

Toutefois, pour bénéficier du statut de salarié protégé, les intéressés doivent informer l’employeur ou rapporter la preuve que l’employeur en avait alors connaissance.

Reste donc à savoir à quelle date le statut de salarié protégé doit précisément s’apprécier afin de pouvoir bénéficier de la protection idoine.

Sur ce point, tant le Conseil d’état que la Cour de cassation n’ont cessé de fluctuer. Ainsi, les Hautes Cours ont-elles pu décider que le bénéfice s’appréciait :

– À la date de l’envoi de la convocation à l’entretien préalable (Cass. Soc. 3 avril 2001, 99-40190 ; Cass. Soc. 1er mars 2005, 03-40048 ; CE, 23 décembre 2011, n°338607 ; CE, 23 novembre 2016, n°392059)

– Au jour de l’entretien préalable, ou pour les ruptures ne nécessitant pas d’entretien préalable, au plus tard au jour de l’envoi de la lettre de licenciement (Cass. Soc. 15 avril 2015, 13-25283 ; Cass. Soc. 6 avril 2016, 14-12724).

– Ou bien encore, à la date de la notification du licenciement (Cass. Soc. 3 décembre 2002, 99-44583 ; Cass. Soc. 4 mai 2011, 09-67776)

Les décisions se plaçant à la date d’envoi étant somme toutes majoritaires, il semblerait que la jurisprudence de la Cour de cassation se soit désormais alignée sur celle du Conseil d’Etat (CE, 23 novembre 2016, n° 392059).

En effet, « c’est au moment de l’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement que l’employeur doit avoir connaissance de la candidature du salarié ou de son imminence ». Cass. Soc. 11 octobre 2017, 16-10139.

Tel est donc l’apport des deux arrêts du 11 octobre dernier : stabiliser la jurisprudence en la matière et ainsi le régime juridique applicable.

Désormais, que le litige porte sur l’acquisition d’une protection (n° 16-10139) ou, à l’inverse, sur la perte d’un mandat (n° 16-11048), l’employeur doit se placer à la date d’envoi de la convocation à l’entretien préalable.

En conséquence, si le salarié a la qualité de salarié protégé à ce moment précis, l’autorisation administrative est requise, à condition toutefois :

– Que le bénéfice du statut protecteur ait été porté à la connaissance de l’employeur ;

– Ou, selon le cas, que ce dernier ait eu connaissance de l’imminence du bénéfice du statut protecteur avant l’envoi de la convocation à entretien préalable (Cass. Soc. 28 janvier 2009, 08-41633, 21 décembre 2006, 04-47426 ; CE, 28 mars 2013, n° 338289, CE, 23 novembre 2016, n°392059, 11 octobre 2017, n° 16-10.139).

Par conséquent, cette règle harmonisée a vocation à s’appliquer en toutes circonstances, peu importe la survenance d’évènements postérieurs.

La notification du licenciement adressé postérieurement à l’expiration de la période de protection (Cass. Soc. 26 mars 2013, 11-27964 ; Cass. Soc. 25 octobre 2017, 16-13229) ; ou bien encore l’annulation d’élections professionnelles ou d’une désignation syndicale (Cass. Soc. 11 octobre 2017, 16-11048) n’ont dès lors aucune incidence.

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En conclusion, il semblerait que l’employeur bénéficie désormais d’une certaine stabilité, et non des moindres : celle de la sécurisation juridique de l’ensemble de la procédure de licenciement engagé à l’égard de salariés protégés.

Bettina SCHMIDT

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