Le bénéfice d’une garantie de passif n’est pas transmise au sous-acquéreur des titres en cas de garantie de valeur consentie « intuitu personae »

Cass. Com. 20 octobre 2015 – n° 14-17.896 (n° 916 F-D)

La créance résultant d’une « garantie de valeur » prévue dans un contrat de cession de parts conclu « intuitu personae » ne peut pas être transmise au sous-acquéreur.

Un actionnaire avait cédé en 1999 sa participation dans le capital d’une société d’expertise comptable. La clause de garantie prévoyait que le cédant s’engageait à « maintenir la valeur » des parts cédées et, en conséquence, à « dédommager le cessionnaire, au prorata de leur nombre, de tout amoindrissement de la valeur de l’actif ou de tout accroissement du passif de la société survenant postérieurement mais ayant une origine antérieure à la cession ».


En 2000, l’acquéreur revend les parts sociales à un autre cabinet d’expertise comptable. Il était stipulé que la « cédante transmettait à la cessionnaire l’intégralité des engagements » souscrits par le vendeur d’origine.

Le sous-acquéreur fit signifier cette cession au premier vendeur, puis l’assigna aux fins de mise en œuvre de la garantie consentie en 1999.

Le sous-acquéreur estimait que l’absence de stipulation, dans l’acte de cession d’origine, d’une faculté de transmission de la garantie contractuelle de valeur, ne faisait pas obstacle, en soi, à ce que le bénéficiaire de la garantie puisse la lui transmettre. La cession des parts sociales aurait impliqué en elle-même la faculté de transmettre à un tiers cessionnaire la garantie du cédant.

Le cédant d’origine invoquait le fait qu’en tant que garantie de valeur ses engagements ne bénéficiait qu’au cessionnaire et la formation intuitu personae de la cession.

La Cour de Cassation a jugé la demande du sous-acquéreur de transmission de la garantie à son profit infondée car lors de la conclusion du contrat de cession de titres en 1999, l’identité du cessionnaire avait été la condition déterminante du consentement du cédant, ce qui signifiait que l’acte avait été conclu en considération de la personne de l’acquéreur et que la clause de garantie de valeur avait donc été consentie au seul profit de celui-ci.

Dans la même affaire, la Cour de cassation avait toutefois pu juger que l’absence de stipulation dans l’acte initial de cession d’une faculté de transmission de la garantie contractuelle ne faisait pas en soi obstacle à ce que le bénéficiaire de celle-ci la cède au sous-acquéreur des parts (Cass. com. 9-10-2012 n° 11-21.528). Il pouvait se déduire de cet arrêt que la créance de l’acquéreur sur le cédant au titre de la garantie pouvait se transmettre à un sous-acquéreur, sauf si une clause de l’acte interdisait ou encadrait expressément la transmission de la garantie à un tiers.

Par cette décision du 20 octobre 2015, la Cour de cassation a ajouté une limite à la transmissibilité de la garantie en l’absence de stipulation dans l’acte initial : la garantie ne peut pas être transmise au sous-acquéreur lorsqu’elle est stipulée dans un contrat de cession conclu « intuitu personae ».

En pratique, il convient donc de veiller dans la rédaction des actes de cession à bien préciser les conditions de transmission ou non de la garantie d’actif et de passif à un tiers.

Guillaume LECLAIR

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