Le « ambush marketing » une nouvelle fois à l’épreuve du parasitisme

TGI Paris, 3ème Ch. 3ème section, 27 juin 2014, n°12/12555

L’« ambush marketing » est une pratique commerciale qui consiste à associer l’image d’une entreprise à un événement sportif pour profiter de son impact médiatique sans pour autant parrainer officiellement ledit événement.

Dans cette affaire, un annonceur (une célèbre marque de rasoirs) avait fait publier, la veille de la Coupe du Monde de rugby, un encart publicitaire dans le journal l’Equipe (suivant une campagne virale sur internet et les réseaux sociaux) afin de présenter son soutien à l’équipe de France face aux « All Black ». Cette publicité représentait une moustache stylisée constituée de deux fougères (l’emblème de l’équipe néo-zélandaise) sur fond noir (couleur des maillots des « All-Black »), sous laquelle était inscrite la mention « allez Marc, rase-nous cette moustache ! » (faisant ainsi référence au sélectionneur national de l’équipe qui s’était laissé pousser la moustache durant la compétition à la suite d’une plaisanterie devenue de notoriété publique); le bas de cette publicité reproduisait par ailleurs le nom de l’annonceur suivie de la mention « encourage Marc LIEVREMONT et le XV de France pour leur finale ».

Le Tribunal a estimé qu’eu égard au contexte sportif et médiatique, l’allusion humoristique, d’une part, à la finale de la Coupe du Monde et, d’autre part, à la moustache du sélectionneur, sans aucune référence aux signes distinctifs appartenant à la Fédération Française de Rugby n’apparaissait pas fautive, soulignant à cet égard qu’aucun monopole n’était en effet affecté par ces références à un événement public et d’actualité, dont l’ensemble des médias traitaient à l’époque, et que la dénomination « XV de France » qui désigne usuellement l’équipe nationale de rugby à 15 depuis une centaine d’années est à ce titre inappropriable.

Toutefois, le Tribunal a considéré que cette publicité prise dans son ensemble révélait une volonté manifeste de rattacher directement la marque de l’annonceur à l’équipe de France de rugby, sans s’acquitter des frais de partenariat nécessaires pour se prévaloir d’un tel lien, et de réaliser ainsi un coup médiatique au moment le plus propice (la veille d’une finale de coupe du monde) en vue de tirer profit de la notoriété et de l’image de marque du XV de France, lesquels résultent des efforts d’investissement de promotion de la Fédération. Le Tribunal a en outre estimé que cette publicité impliquait l’idée d’un partenariat avec la Fédération, renforcée par la référence directe au sélectionneur, amenant ainsi le public à croire que l’annonceur était un partenaire commercial de la Fédération, à l’instar des autres partenaires officiels.

Au regard de ces éléments, le Tribunal a condamné in solidum l’annonceur et l’agence de publicité à verser à la Fédération une indemnité de 80.000 euros au titre du parasitisme ; lee Tribunal a notamment pris en compte le montant des contrats de partenariat usuels de la Fédération, constituant la moitié de son chiffre d’affaires annuel, et l’affaiblissement de la force d’attractivité de la Fédération auprès de ses partenaires et potentiels partenaires, de nature à désorganiser le marché du sponsoring sportif.

L’entraîneur a par ailleurs obtenu une condamnation de 30.000 euros en réparation de son préjudice moral, le Tribunal ayant estimé que sa qualité de personne publique ne dispensait pas l’annonceur d’obtenir son autorisation pour associer ses nom et prénom à son message publicitaire dès lors que cette utilisation n’était pas une simple allusion à un fait d’actualité mais revêtait une nature purement mercantile.

Cette décision rappelle la prudence dont doivent faire preuve les annonceurs et les agences de publicité dans la mise en place de stratégies d’ambush marketing.

Dorothée SIMIC

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